PUBLICATIONS DE LA COUR PERMANENTE DE JUSTICE INTERNATIONALE SÉRIE A - N 70 Le 7 septembre 1927 RECUEIL DES ARRE' TS AFFAIRE DU « LOTUS 1 PUBLICATIONS O F T H E PERMANENT COUR ' O F INTERNATIONAL JUSTICE SERIES A -No 70 September 7th 1927 COLLECTION OF JUDGMENTS THE CASE OF THE S S LOTUS COUR PERMANENTE DE JUSTICE INTERNATIONALE 1927 DOUZIEMESESSION 7 septembre ssier E c X lble XII 2 ORDINAIRE Prdsents MM HUBER Prdsident LODER ancien Prdsident WEISS Vice-Prdsident Lord FINLAY MM NYHOLM MOORE DE BUSTAMANTE ALTAMIRA ODA ANZILOTTI PESSÔA FEÏZI-DAÏMBEY Juge national AFFAIRE DU LOTUS 1 Entre le Gouvernement de la République française représenté par M Basdevant professeur à la Faculté de Droit de Paris et le Gouvernement de la République turque représenté par Son Excellence Mahmout Essat Bey ministre de la JucA t'1Ce composée ainsi qu'il est dit ci-dessus après avoir entendu les Parties en leurs observations et conclusions a rendu l'arrêt suivant PERMANENT COURT OF INTERNATIONAL JUSTICE Translation TWELFTH ORDINARY SESSION - Bejore MM HUBER President LODER Former President WEISS Vice-President Lord FINLAY MM NYHOLM MOORE DE BUSTAMANTE J dges ALTAMIRA ODA ANZILOTTI PESSÔA l FEÏZI-DAÏMBEY National Judge JUDGMENT No g - THE CASE O F THE S S ' LOTUS The Government of the French Republic represented by M Basdevant Professor at the Faculty of Law of Paris The Government of the Turkish Republic represented by His Excellency Mahmout Essat Bey Minister of Justice composed as above having heard the observations and conclusions of the Parties delivers the following judgment 1927 September File E c Docket XI Par un compromis signé à Genève le 12 octobre 1926 entre les Gouvernements des Républiques française et turque et déposé au Greffe de la Cour conformément à l'article 40 du Statut et à l'article 35 du Règlement le 4 janvier 1927 par les représentants diplomatiques à La Haye desdits Gouvernements ceux-ci ont soumis à la Cour permanente de Justice internationale la question de compétence judiciaire qui s'est élevée entre eux à la suite de la collision survenue le 2 août 1926 entre les vapeurs Boz-Kourt et Lotus Aux termes du compromis il incombe à la Cour de statuer sur les questions suivantes 1 La Turquie a-t-elle contrairement à l'article 15 de la Convention de Lausanne du 24 juillet 1923 relative à l'établissement et à la compétence judiciaire agi en contradiction des principes du droit international - et si oui de quels principes-en exerçant à la suite de la collision survenue le 2 août 1926 en haute mer entre le vapeur français Lotus et le vapeur turc Boz-Kourt et lors de l'arrivée du navire français à Stamboul en même temps que contre le capitaine du vapeur turc des poursuites pénales connexes en vertu de la législation turque contre le sieur Demons officier de quart à bord du Lotus au moment de la collision en raison de la perte du Boz-Kourt ayant entraîné la mort de huit marins et passagers turcs 2 En cas de réponse affirmative quelle réparation pécuniaire s'il doit en résulter une selon les principes du droit international dans des cas semblables serait due en faveur du sieur Demons Donnant suite aux propositions faites d'un commun accord par les Parties dans le compromis conformément aux dispositions de l'article 32 du Règlement le Président en vertu de l'article 48 du Statut et des articles 33 et 39 du Règlement fixa aux I mars et 24 mai 1927 les délais pour le dépôt par chacune des Parties d'un Mémoire et d'un Contre-Mémoire respectivement aucun délai ne fut fixé pour le dépôt de répliques les Parties ayant fait connaître leur intention de n'en pas présenter Les Ménioires et Contre-Mémoires furent dûment déposés au Greffe dans les délais fixés et firent l'objet des comn unications prévues à l'article 43 du Statut Au cours des audiences tenues les 2 3 6 et 8-10 août 1927 la Cour a entendu en leurs plaidoiries réplique et duplique les agents des Parties indiqués ci-dessus By a special agreement signed at Geneva on October z t h1926 between the Governments of the French and Turkish Republics and filed with the Registry of the Court in accordance with Article 40 of the Statute and Article 35 of the Rules of Court on January 4th 1927 by the diplomatic representatives at The Hague of the aforesaid Governments the latter have submitted to the Permanent Court of International Justice the question of jurisdiction which has arisen between them following upon the collision which occurred on August and 1926 between the steamships Boz-Kourt and Lotus According to the special agreement the Court has to decide the following questions 1 Has Turkey contrary to Article 15 of the Convention of Lausanne of July 24th 1923 respecting conditions of residence and business and jurisdiction acted in conflict with the principles of international law-and if so what principles-by instituting following the collision which occurred on August znd 1926 on the high seas between the French steamer Lotus and the Turkish steamer Boz- Kourt and upon the arriva1 of the French steamer at Constantinople-as well as against the captain of the Turkish steamship-joint criminal proceedings in pursuance of Turkish law against M Demons officer of the watch on board the Lotus at the time of the collision in consequence of the loss of the Boz-Kourt having involved the death of eight Turkish sailors and passengers 2 Should the reply be in the affirmative what pecuniary reparation is due to M Demons provided according to the principles of international iaw reparation should be made in similar cases Giving effect to the proposals jointly made by the Parties to the special agreement in accordance with the terms of Article 32 of the Rules the President under Article 48 of the Statute and Articles 33 and 39 of the Rules fixed the dates for the filing by each Party of a Case and Counter-Case as March 1st and May 24th 1927 respectively no time was fixed for the submission of replies as the Parties had expressed the wish that there should not be any The Cases and Counter-Cases were duly filed with the Registry by the dates fixed and were communicated to those concemed as provided in Article 43 of the Statute In the course of hearings held on August znd 3rd 6th and 8th- oth 1927 the Court has heard the oral pleadings reply and rejoinder submitted by the above-mentioned Agents for the Parties A l'appui de leurs conclusions respectives les Parties ont soumis à la Cour en annexes aux pièces de la procédure écrite certains documents dont le bordereau est reproduit à l'annexe Pendant la procédure les Parties ont eu l'occasion de préciser leurs points de vue respectifs par rapport aux questions soumises à l'appréciation de la Cour Elles l'ont fait en formulant des conclusions plus ou moins développées résumant leurs thèses C'est ainsi que dans son Mémoire le Gouvernement français demande qu'il plaise à la Cour Dire et juger que selon la Convention relative à l'établissement et à la compétence judiciaire signée à Lausanne le 24 juillet 1923 et les règles du droit international la compétence pour exercer des poursuites pénales contre l'officier de quart d'un navire français à raison de l'abordage survenu en haute mer entre ce navire et un navire turc appartient exclusivement aux tribunaux français cc Qu'en conséquence c'est à tort contrairement à ladite Convention et en contradiction des règles du droit international que les autorités judiciaires turques ont poursuivi incarcéré et condamné le sieur Demons à raison de l'abordage survenu en haute mer entre le Lotus et le Boz-Kourt Par suite fixer l'indemnité pour réparation du préjudice ainsi causé au sieur Demons à six mille livres turques et ordonner que ladite indemnité sera versée par le Gouvernement de la République turque au Gouvernement de la République française De son côté le Gouvernement turc dans son Mémoire demande simplement qu'il plaise à la Cour « statuer en faveur de la compétence judiciaire turque » D'autre part le Gouvernement français a formulé à nouveau dans son Contre-Mémoire les conclusions déjà énoncées dans le Mémoire en en modifiant quelque peu la rédaction en y introduisant certains éléments nouveaux et en les faisant précéder de considérants qu'il convient de citer in extenso vu qu'ils résument d'une manière brève et précise la thèse du Gouvernement français les considérants et les conclusions nouvelles sont ainsi conçus «Attendu que la substitution de la compétence des tribunaux turcs à celle des tribunaux consulaires étrangers pour connaître des actions pénales dirigées contre des étrangers a 6té le résultat du consentement donné par les Puissances à cette substitution dans les Conventions signées à Lausanne le 24 juillet 1923 In support of their respective submissions the Parties have placed before the Court as annexes to the documents of the written proceedings certain documents a list of which is given in the annex In the course of the proceedings the Parties have had occasion to define the points of view respectively adopted by them in relation to the questions referred to the Court They have done so by formulating more or less developed conclusions summarizing their arguments Thus the French Government in its Case asks for judgrnent to the effect that Under the Cocvention respecting conditions of residence and business and jurisdiction signed at Lausanne on July 24th 1923 and the principles of international law jurisdiction to entertain criminal proceedings against the officer of the watch of a French ship in connection with the collision which occurred on the high seas between that vesse1 and a Turkish ship belongs exclusively to the French Courts Consequently the Turkish judicial authorities were wrong in prosecuting imprisoning and convicting M Demons in connection with the collision which occurred on the high seas between the Lotas and the Boz-Koart and by so doing acted in a manner contrary to the above-mentioned Convention and to the principles of international law « Accordingly the Court is asked to fix the indemnity in reparation of the injury thus inflicted upon M Demons at 6 000 Turkish pounds and to order this indernnity to be paid by the Government of the Turkish Republic to the Government of the French Republic The Tmkish Government for its part simply asks the Court in its Case to give judgment in favour of the jurisdiction of the Turkish Courts The French Government however has in its Counter-Case again formulated the conclusions already set out in its Case in a slightly modified form introducing certain new points preceded by arguments which should be cited in full seeing that they summarize in a brief and precise manner the point of view taken by the French Government the new arguments and conclusions are as follows Whereas the substitution of the jurisdiction of the Turkish Courts for that of the foreign consular courts in criminal proceedings taken against foreigners is the outcome of the consent given by the Powers to this substitution in the Conventions signed at Lausanne on July 24th 1923 «Que ce consentement loin d'avoir été donné pour ce qui concerne les actions pénales dirigées contre des étrangers à raison de crimes ou délits commis à l'étranger a été nettement refusé par les Puissances et notamment par la France Que ce refus résulte du rejet d'un amendement turc tendant à consacrer cette compétence et des déclarations faites à ce propos Que par suite la Convention de Lausanne du 24 juillet 1923 interprétée à la lumière de ces circonstances et intentions ne permet pas que les tribunaux turcs connaissent de poursuites pénales contre un Français à raison de crimes ou délits commis hors de Turquie Au surplus attendu que selon le droit des gens établi par la pratique des nations civilisées dans leurs rapports mutuels un État n'est pas en droit en dehors d'accords spéciaux exprès ou tacites d'étendre la compétence pénale de ses tribunaux à un crime ou délit commis par un étranger à l'étranger à raison du seul fait qu'un de ses nationaux en a été victime Attendu que les faits accomplis en haute mer à bord d'un navire de commerce ne sont en principe justiciables au point de vue pénal que des tribunaux de l'État dont le navire porte le pavillon Qu'il y a là une conséquence du principe de la liberté des mers et que les États y attachant une importance particulière n'y ont apporté que de rares dérogations Que selon le droit existant la nationalité de la victime n'est pas un motif suffisant de faire échec à cette règle et qu'il en a été jugé ainsi dans l'affaire du Costa Rica Packet Attendu qu'il y a des raisons particulières de maintenir l'application de cette règle en cas d'abordage raisons tirées notamment du fait que le caractère fautif de l'abordage s'apprécie à la lumière de règlements purement nationaux s'imposant au navire et dont l'exécution doit être surveillée par ses autorités nationales Que l'abordage ne saurait être localisé sur le navire coulé pour en déduire la compétence des tribunaux du pays de celui-ci une telle prétention étant en contradiction avec la réalité Que la prétention d'étendre pour cause de connexité la compétence des tribunaux nationaux de l'un des navires à l'action dirigée contre un officier de l'autre navire impliqué dans la collision alors que ces deux navires n'ont pas la même nationalité ne trouve aucun appui en droit international Attendu qu'en décider autrement et admettre la compétence des tribunaux turcs pour l'action pénale dirigée contre l'officier de quart du navire français impliqué dans la collision serait introduire une innovation en entière discordance avec des précédents solidement établis 9 -THE 7 As this consent far from having been given as regards criminal proceedings against foreigners for crimes or offences committed abroad has been definitely refused by the Powers and by France in particular As this refusal follows from the rejection of a Turkish amendment calculated to establish this jurisdiction and from the statements made in this connection As accordingly the Convention of Lausanne of July 24th 1923 construed in the light of these circumstances and intentions does not allow the Turkish Courts to take cognizance of criminal proceedings directed against a French citizen for crimes or offences committed outside Turkey Furthermore whereas according to international law as established by the practice of civilized nations in their relations with each other a State is not entitled apart from express or implicit special agreements to extend the criminal jurisdiction of its courts to include a crime or offence committed by a foreigner abroad solely in consequence oI the fact that one of its nationals has been a victim of the crime or offence Whereas acts performed on the high seas on board a merchant ship are in principle and from the point of view of criminal proceedings amenable only to the jurisdiction of the courts of the State whose flag the vessel flies As that is a consequence of the principle of the freedom of the seas and as States attaching especial importance thereto have rarely departed therefrom As according to existing law the nationality of the victim is not a sufficient ground to override this rule and seeing that this was held in the case of the Costa Rica Packet Whereas there are special reasons why the application of this rule should be maintained in collision cases which reasons are mainly connected with the fact that the culpable character of the act causing the collision must be considered in the light of purely national regulations which apply to the ship and the carrying out of which must be controlled by the national authorities As the collision cannot in order thus to establish the jurisdiction of the courts of the country to which it belongs be localized in the vessel sunk such a contention being contrary to the facts As the claim to extend the jurisdiction of the courts of the country to which one vessel belongs on the ground of the connexity connexité of offences to proceedings against an officer of the other vessel concerned in the collision when the two vessels are not of the same nationality has no support in international law Whereas a contrary decision recognizing the jurisdiction of the Turkish Courts to take cognizance of the criminal proceedings against the officer of the watch of the French ship involved in the collision would amount to introducing an innovation entirely at variance with firmly established precedent JUDGMENT NO CASE OF THE S S LOTUS Attendu que le compromis soumet à la Cour la question d'une indemnité à allouer au sieur Demons comme conséquence de la décision rendue par elle sur la première question Que toutes autres conséquences éventuelles de ladite décision non soumises à la Cour sont par là même réservées Que l'arrestation du sieur Demons son emprisonnement et sa condamnation étant le fait d'autorités incompétentes selon le droit international le principe d'une indemnité à son profit et à la charge de la Turquie ne saurait être contesté «Que son incarcération a duré trente-neuf jours sa mise en liberté sous caution n'ayant été que tardivement accordée contrairement aux dispositions de la Déclaration sur l'administration judiciaire signée à Lausanne le 24 juillet 192 3 Que cette poursuite a été suivie d'une condamnation de nature à causer au sieur Demons un préjudice au moins moral Que les autorités turques ont à la veille de sa condamnation et alors qu'il avait subi une détention à peu près égale à la moitié de celle à laquelle il allait être condamni subordonné sa mise en liberté à un cautionnement de six mille livres turques c Dire et juger tant en l'absence qu'en la présence du Gouvernement de la République turque Que d'après les règles du droit international et d'après la Convention relative à l'établissement et à la compétence judiciaire signée à Lausanne le 24 juillet 1923 la compétence pour exercer des poursuites pénales contre l'officier de quart d'un navire français à raison de l'abordage survenu en haute mer entre ce navire et un navire turc appartient exclusivement aux tribunaux français Qu'en conséquence c'est à tort contrairement aux règles du droit international et à ladite Convention que les autorités judiciaires turques ont poursuivi incarcéré et condamné le sieur Demons à raison de l'abordage survenu en haute mer entre le Lotus et le Boz-Kourt Par suite fixer l'indemnité pour réparation du préjudice ainsi causé au sieur Dem0ns à six mille livres turques et ordonner que ladite indemnité sera versée par le Gouvernement de la République turque au Gouvernement de la République française dans le délai d'un mois à compter de la sentence et ce sans préjudice du remboursement du cautionnement versé par le sieur Demons E t donner acte au Gouvernement de la République française que toutes autres conséquences éventuelles de la décision rendue non soumises à la Cour sont par là même réservées » Le Gouvernement turc dans son Contre-Mémoire se borne à répéter la conclusion de son Mémoire en la faisant précéder JUDGMENT NO 9 -THE CASE O F THE S S LOTUS 8 Whereas the special agreement submits to the Court the question of an indemnity to be awarded to Monsieur Demons as a consequence of the decision given by it upon the first question As any other consequences involved by this decision not having been submitted to the Court are ipso facto reserved As the arrest imprisonment and conviction of Monsieur Demons are the acts of authorities having no jurisdiction under international law the principle of an indemnity enuring to the benefit of Monsieur Demons and chargeable to Turkey cannot be disputed As his imprisonment lasted for thirty-nine days there having been delay in granting his release on bail contrary to the provisions of the Declaration regarding the administration of justice signed at Lausanne on July 24th 1923 As his prosecution was followed by a conviction calculated to do Monsieur Demons at least moral damage As the Turkish authorities immediately before his conviction and when he had undergone detention about equal to one half of the period to which he was going to be sentenced made his release conditional upon bail in 6 000 Turkish pounds Asks for judgment whether the Government of the Turkish Republic be present or absent to the effect That under the rules of international law and the Convention respecting conditions of residence and business and jurisdiction signed a t Lausanne on July 24th 1923 jurisdiction to entertain criminal proceedings against the officer of the watch of a French ship in connection with the collision which occurred on the high seas between that ship and a Turkish ship belongs exclusively to the French Courts That consequently the Turkish judicial authorities were wrong in prosecuting imprisoning and convicting Monsieur Demons in connection with the collision which occurred on the high seas between the Lotus and the Boz-Kou t and by so doing acted in a manner contrary to the principles of international law and to the above-mentioned Convention Accordingly the Court is asked to fix the indemnity in reparation of the injury thus inflicted on Monsieur Demons at 6 000 Turkish pounds and to order this indemnity to be paid by the Government of the Turkish Republic to the Government of the French Republic within one month £rom the date of judgrnent without prejudice to the repayment of the bail deposited by Monsieur Demons The Court is also asked to place on record that any other consequences which the decision given might have not having been submitted to the Court are ipso facto reserved The Turkish Government in its Counter-Case confines itself to repeating the conclusion of its Case preceding it however by toutefois d'un court exposé de sa thèse exposé qu'il convient de reproduire étant donné qu'il fait contre-partie aux considérants qui précèdent les conclusions du Contre-Mémoire français I - L'article 15 de la Convention de Lausanne relative à l'établissement et à la compétence judiciaire réfère entièrement et de façon absolue - sous réserve seulement de l'article 16 - la compétence judiciaire turque aux principes du droit international Cet article ne saurait supporter la moindre réserve ni la moindre interprétation faite en lui attribuant un sens différent En conséquence la Turquie n'a en vertu de cet article dans l'emploi de 'sa compétence judiciaire en toute affaire qui intéresse les étrangers d'autre souci que de ne pas agir en contradiction des principes du droit international 2 - L'article 6 du Code pénal turc qui est textuellement emprunté au Code pénal italien n'est pas en l'espèce contraire aux principes du droit international 3 - Les navires en haute mer faisant partie du territoire de la nation dont ils portent le pavillon et dans le cas qui nous occupe le lieu du délit étant le vapeur Boz-Kourt battant pavillon turc la compétence de la Turquie est formelle dans la poursuite exercée comme si le cas s'était produit sur son territoire - ainsi que des faits analogues le démontrent 4 - L'affaire Boz-Kourt - Lotus étant un cas de délit connexe » le Code d'instruction criminelle - qui est emprunté à la France - ordonne que l'officier français soit l'objet de poursuites connexes en même temps que l'officier turc ce que confirment du reste les doctrines et la législation de tous les pays En conséquence la Turquie est en droit à ce point de vue également d'affirmer sa compétence 5 - Si même l'on considère la question du point de vue de l'abordage seul aucun principe de droit international d'ordre pénal n'existant pour arrêter la compétence civilement évidente de la Turquie celle-ci est compétente pour entreprendre des poursuites pénales « 6 - La Turquie exerçant une compétence d'ordre essentiel et les États n'étant d'ailleurs pas de par les principes du droit international tenus dans des cas semblables de verser des indemnités il est hors de doute qu'il ne saurait être question pour le Gouvernement de la République turque de l'indemnité réclamée dans le Mémoire français ce Gouvernement étant compétent pour exercer des poursuites contre le citoyen français Demons qui par suite d'un abordage se trouve avoir commis un homicide par imprudence Plaise à la Cour statuer en faveur de la compétence judiciaire turque a short statement of its argument which statement it will be well to reproduce since it corresponds to the arguments preceding the conclusions of the French Counter-Case 1 -Article I j of the Convention of Lausanne respecting conditions of residence and business and jurisdiction refers simply and solely as regards the jurisdiction of the Turkish Courts to the principles of international law subject only to the provisions of Article 16 Article Ij cannot be read as supporting any reservation whatever or any construction giving it another meaning Consequently Turkey when exercising jurisdiction in any case concerning foreigners need under this article only take care not to act in a manner contrary to the principles of international law 2 -Article 6 of the Turkish Penal Code which is taken word for word from the Italian Penal Code is not as regards the case contrary to the principles of international law 3 -Vessels on the high seas form part of the territory of the nation whose flag they fly and in the case under consideration the place where the offence was committed being the S S Boz-Kou flying the Turkish flag Turkey's jurisdiction in the proceedings taken is as clear as if the case had occurred on her territory-as is borne out by analogous cases 4 -The Boz-Kourt-Lotus case being a case involving connected offences délits comzexes the Code of criminal procedure for trial-which is borrowed from France-lays down that the French officer should be prosecuted jointly with and at the same time as the Turkish officer this moreover is confirmed by the doctrines and legislation of al1 countries Turkey therefore is entitled from this standpoint also to claim jurisdiction 5 -Even if the question be considered solely from the point of view of the collision as no principle of international criminal law exists which would debar Turkey from exercising the jurisdiction which she clearly possesses to entertain an action for damages that country has jurisdiction to institute crirninal proceedings 6 -As Turkey is exercising jurisdiction of a fundamental character and as States are not according to the principles of international law under an obligation to pay indemnities in such cases it is clear that the question of the payment of the indemnity claimed in the French Case does not arise for the Turkish Government since that Government has jurisdiction to prosecute the French citizen Demons who as the result of a collision has been guilty of manslaughter The Court is asked for judgment in favour of the jurisdiction of the Turkish Courts Au cours de la procédure orale l'agent du Gouvernement français s'est borné à renvoyer aux conclusions formulées dans le ContreMémoire en renouvelant simplement la demande de prise d'acte des réserves qui y étaient formulées pour toutes conséquences de l'arrêt futur non soumises à la décision de la Cour acte lui est maintenant donné de ces réserves De son côté l'agent du Gouvernement turc s'est abstenu dans sa plaidoirie et sa duplique de prendre une conclusion quelconque Celle qu'il avait libellée dans les pièces par lui présentée a au cours de la procédure écrite doit par conséquent être considérée comme simplement maintenue POINT DE FAIT D'après les exposés présentés à la Cour par les agents des Parties dans leurs Mémoires écrits ainsi que dans leurs plaidoiries orales les faits se trouvant à l'origine de l'affaire sont de l'accord des Parties les suivants Le 2 août 1926 vers minuit un abordage s'est produit entre le paquebot français Lotus à destination de Constantinople et le vapeur charbonnier turc Boz-Kou t en un lieu situé cinq à six milles marins au nord du cap Sigri Mitylène Le Boz-Kourt coupé en deux a sombré et huit ressortissants turcs se trouvant à son bord ont péri Après avoir fait toute diligence pour venir à l'aide des naufragés dont dix ont pu être sauvés le Lotus a continué sa route vers Constantinople oh il est arrivé le 3 août Au moment de l'abordage l'officier de quart à bord du Lotus était M Demons citoyen français lieutenant au long cours et premier lieutenant du bord tandis que les manœuvres du BozKourt étaient dirigées par son capitaine Hassan Bey qui s'est trouvé parmi les personnes qui ont été sauvées du naufrage Dès le 3 août la police turq ieprocéda à bord du Lotus à une enquête sur l'abordage et le lendemain 4 août le commandant du Lotus déposa au Consulat général de France son rapport de mer dont il remit copie au capitaine du port Le 5 août le lieutenant Demons fut invité par les autorités turques à se rendre à terre pour faire une déposition L'interrogatoire dont la longueur eut incidemment pour effet de retarder le départ du JUDGMENT NO 9 -THE CASE O F THE S S LOTUS IO During the oral proceedings the Agent of the French Government confined himself to referring to the conclusions submitted in the Counter-Case simply reiterating his request that the Court should place on record the reservations made therein as regards any consequences of the judgment not submitted to the Court's decision these reservations are now duly recorded For his part the Agent for the Turkish Government abstained both in his original speech and in his rejoinder from submitting any conclusion The one he formulated in the documents filed by him in the written proceedings must therefore be regarded as having been maintained unaltered THE FACTS According to the statements submitted to the Court by the Parties' Agents in their Cases and in their oral pleadings the facts in which the affair originated are agreed to be as follows On August znd 1926 just before midnight a collision occurred between the French mail steamer Lotus proceeding to Constantinople and the Turkish collier Boz-Kourt between five and six nautical miles to the north of Cape Sigri Mitylene The Boz-Kourt which was cut in two sank and eight Turkish nationals who were on board perished After having done everything possible to succour the shipwrecked persons of whom ten were able to be saved the Lotus continued on its course to Constantinople where it arrived on August 3rd At the time of the collision the officer of the watch on board the Lotus was Monsieur Demons a French citizen lieutenant in the merchant service and first officer of the ship whilst the movements of the Boz-Kourt were directed by its captain Hassan Bey who was one of those saved from the wreck As early as August 3rd the Turkish police proceeded to hold an enquiry into the collision on board the Lotus and on the following day August 4th the captain of the Lotus handed in his master's report at the French Consulate-General transmitting a copy to the harbour master On August 5th Lieutenant Demons was requested by the Turkish authorities to go ashore to give evidence The examination the length of which incidentally resulted in delaying the departure of Lotus aboutit à la mise en arrestation du lieutenant Demons d'ailleurs sans avis préalable au consul général de France - et de Hassan Bey entre autres Cette arrestation qualifiée par l'agent turc de préventive aurait eu pour objet d'assurer le cours normal des poursuites pénales intentées sur plainte des familles des victimes de l'abordage par le ministère public de Stamboul contre les deux officiers sous l'inculpation d'homicide par imprudence La cause fut entendue par la Cour criminelle de Stamboul d'abord le 28 août A cette occasion le lieutenant Demons excipa de I'incompétence de la juridiction turque la Cour cependant se déclara compétente Lors de la reprise des débats le II septembre le lieutenant Dernons demanda sa mise en liberté sous caution il fut donné suite à cette demande le 13 septembre la caution étant fixée à 6 000 livres turques Le 15 septembre la Cour criminelle rendit sa sentence dont la teneur n'a pas été communiquée à la Cour par les Parties Il est cependant constant qu'elle condamnait le lieutenant Demons à quatre-vingt jours de prison et à une amende de 22 livres Hassan Bey étant condamné à une peine légèrement plus élevée Il est également constant que le procureur de la République turque a formé contre cette décision un pourvoi en cassation qui en a suspendu l'exécution qu'une décision sur ce pourvoi n'est pas encore intervenue mais que le compromis du 12 octobre 1926 n'a pas eu pour effet de suspendre « la procédure pénale actuellement en cours en Turquie L'action des autorités judiciaires turques à l'égard du lieutenant Demons provoqua aussitôt de nombreuses démarches diplomatiques et autres interventions de la part du Gouvernement français ou de ses représentants en Turquie visant soit à protester contre l'arrestation du lieutenant Deinons soit à demander sa mise en liberté soit à obtenir le dessaisissement des tribunaux turcs en faveur de la juridiction française A la suite de ces démarches le Gouvernement de la République turque a déclaré le 2 septembre 1926 qu'il « ne se refuserait point à ce que le conflit de juridiction soit porté devant la Cour de La Haye » JUDGMENT No 9 -THE II CASE OF T H E S S LOTUS the Lotas led to the placing under arrest of Lieutenant Demonswithout previous notice being given to the French Consul-General -and Hassan Bey amongst others This arrest which has been characterized by the Turkish Agent as arrest pending trial arrestation préventive was effected in order to ensure that the criminal prosecution instituted against the two officers on a charge of manslaughter by the Public Prosecutor of Stamboul on the complaint of the families of the victims of the collision should follow its normal course The case was first heard by the Criminal Court of Stamboul on August 28th On that occasion Lieutenant Demons submitted that the Turkish Courts had no jurisdiction the Court however overruled his objection When the proceedings were resumed on Demons demanded his release on bail September r t hLieutenant this request was complied with on September 13th the bail being fixed at 6 000 Turkish pounds On September 15th the Criminal Court delivered its judgment the terms of which have not been communicated to the Court by the Parties It is however common ground that it sentenced Lieutenant Demons to eighty days' imprisonment and a fine of twenty-two pounds Hassan Bey being sentenced to a slightly more severe penalty It is also common ground between the Parties that the Public Prosecutor of the Turkish Republic entered an appeal against this decision which had the effect of suspending its execution until a decision upon the appeal had been given that such decision has not yet been given but that the special agreement of October rzth 1926 did not have the effect of suspending the criminal proceedings now in progress in Turkey The action of the Turkish judicial authorities with regard to Lieutenant Demons at once gave rise to many diplomatic representations and other steps on the part of the French Government or its representatives in Turkey either protesting against the arrest of Lieutenant Demons or demanding his release or with a view to obtaining the transfer of the case from the Turkish Courts to the French Courts As a result of these representations the Government of the Turkish Republic declared on September znd 1926 that it would have no objection to the reference of the conflict of jurisdiction to the Court at The Hague 2 12 ARRÊT N O 9 - AFFAIRE DU LOTUS 1 Le Gouvernement français ayant donné le 6 du même mois « son plein agrément à la solution proposée » les deux Gouverne- ments nommèrent leurs plénipotentiaires en vue de la rédaction du compromis à soumettre à la Cour ce compromis fut signé à Genève le 12 octobre 1926 ainsi que cela a été dit ci-dessus et le dépôi des ratifications eut lieu le 27 décembre suivant POINT D E DROIT Avant d'aborder l'examen des principes du droit international en contradiction desquels la Turquie aurait agi - et cela contrairement à l'article 15 de la Convention de Lausanne du 24 juillet 1923 relative à l'établissement et à la compétence judiciaire - il convient de préciser à la lumière de la procédure tant écrite qu'orale la situation telle qu'elle résulte du compromis En effet la Cour ayant été saisie de la présente affaire au moyen de la notification d'un compromis conclu par les Parties en cause c'est dans les termes de ce compromis plutôt que dans les conclusions des Parties qu'elle doit rechercher quels sont les points précis sur lesquels il lui appartient de se prononcer A cet égard il y a lieu de constater ce qui suit 1 - La collision survenue le 2 août 1926 entre le vapeur Lotus battant pavillon français et le vapeur Boz-Kourt battant pavillon turc a eu lieu en haute mer la juridiction territoriale d'un État quelconque autre que la France et la Turquie n'entre donc pas en jeu 2 - La violation éventuelle des principes du droit international aurait consisté dans l'exercice de poursuites pénales contre le lieutenant Demons Il ne s'agit donc pas d'un acte particulier de ces poursuites - tel que l'ouverture d'une instruction criminelle l'arrestation la détention préventive ou le jugement rendu par la Cour criminelle de Stamboul - mais bien du fait de l'exercice de la juridiction pénale turque comme tel C'est pourquoi les thèses avancées par les Parties dans les deux phases de la procédure ont The French Government having on the 6th of the same month given i ts full consent to the proposed solution the two Governments appointed their plenipotentiaries with a view to the drawing up of the special agreement to be submitted to the Court this special agreement was signed at Geneva on October z t h1926 as stated above and the ratifications were deposited on December q t h 1926 THE LAW Before approaching the consideration of the principles of international law contrary to which Turkey is alleged to have actedthereby infringing the terms of Article 15 of the Convention of Lausanne of July q t h 1923 respecting conditions of residence and business and jurisdiction- it is necessary to define in the light of the written and oral proceedings the position resulting from the special agreement For the Court having obtained cognizance of the present case by notification of a special agreement concluded between the Parties in the case it is rather to the terms of this agreement than to the submissions of the Parties that the Court must have recourse in establishing the precise points which it has to decide In this respect the following observations should be niade 1 -The collision which occurred on August znd 1926 between the S S Lotus flying the French flag and the S S Boz-Kou t flying the Turkish flag took place on the high seas the territorial jurisdiction of any State other than France and Turkey therefore doeç not enter into account 2 -The violation if any of the principles of international law would have consisted in the taking of criminal proceedings against Lieutenant Demons It is not therefore a question relating to any as his being put particular step in these proceedings-such to trial his arrest his detention pending trial or the judgment given by the Criminal Court of Stamboul-but of the very fact of the Turkish Courts exercising criminal jurisdiction That is why the arguments put forward by the Parties in both phases of trait exclusivement à la question de savoir si la Turquie a ou n'a pas d'après les principes du droit international compétence pour exercer des poursuites en l'espèce Les Parties sont d'accord pour reconnaître que la Cour n'est pas appelée à examiner la conformité des poursuites avec la loi turque elle n'a donc pas à examiner si indépendamment de la question de la compétence même les dispositions de la législation turque invoquées par les autorités turques étaient réellement applicables en l'espèce ou si la manière dont les poursuites contre le lieutenant Demons ont été conduites pourrait constituer un déni de justice et à ce titre une violation du droit international Les débats ont roulé exclusivement sur l'existence ou l'inexistence de la compétence pénale en l'espèce 3 - Les poursuites pénales ont eu lieu en raison de la perte du Boz-Kourt ayant entraîné la mort de huit marins et passagers turcs Il est évident d'une part que cette conséquence de la collision constitue un élément essentiel pour l'institution des poursuites pénales en question d'autre part il résulte des allégations des deus Parties qu'aucune intention criminelle n'a été imputée ni à l'un ni à l'autre des officiers responsables des manœuvres des deux vapeurs on est par conséquent en présence de poursuites pénales pour homicide par imprudence ou négligence Le Gouvernement fran aissoutient que les infractions aux règlements de navigatioii relèvent exclusivement de la juridiction de l'État du pavillon mais il ne soutient pas qu'un abordage entre deux navires ne puisse donner lieu également aux sanctions de droit pénal commun prévues pour le cas d'homicide Les précédents invoqués par lui et ayant trait à des cas d'abordage supposent tous la possibilité de poursuites pénales en vue de pareilles sanctions la contestation ne portant que sur la compétence - concurrente ou exclusive - qu'un autre État pourrait réclamer à cet égard Ainsi qu'il a déjà été remarqué la Cour n'a pas à examiner la légalité des poursuites d'après le droit turc les questions de droit pénal relatives au bien-fondé des poursuites et partant à l'existence d'un nexus causalis entre les actes du lieutenant Demons et la perte de huit ressortissants turcs n'entrent pas en ligne de compte pour la Cour Il ne résulte du reste pas de la documentation soumise à la Cour dans quelles conditions précises ces personnes ont péri toutefois il n'est pas douteux que leur mort puisse être considérée comme suite directe de l'abordage JUDGMENT No 9 -THE CASE O F THE S S LOTUS 13 the proceedings relate exclusively to the question whether Turkey has or has not according to the principles of international law jurisdiction to prosecute in this case The Parties agree that the Court has not to consider whether the prosecution was in conformity with Turkish law it need not therefore consider whether apart from the actual question of jurisdiction the provisions of Turkish law cited by Turkish authorities were really applicable in this case or whether the manner in which the proceedings against Lieutenant Demons were conducted might constitute a denial of justice and accordingly a violation of international law The discussions have borne exclusively upon the question whether criminal jurisdiction does or does not exist in this case 3 -The prosecution was instituted because the loss of the BozKourt involved the death of eight Turkish sailors and passengers I t is clear in the first place that this result of the collision constitutes a factor essential for the institution of the criminal proceedings in question secondly it follows from the statements of the two Parties that no criminal intention has been imputed to either of the officersresponsible for navigating the two vessels it is therefore a case of prosecution for involuntary manslaughter The French Government maintains that breaches of navigation regulations fa11 exclusively within the jurisdiction of the State under whose flag the vesse1 sails but it does not argue that a collision between two vessels cannot also bring into operation the sanctions which apply to criminal law in cases of manslaughter The precedents cited by it and relating to collision cases al1 assume the possibility of criminal proceedings with a view to the infliction of such sanctions the dispute being confined to the question of jurisdictionconcurrent or exclusive-which another State might claim in this respect As has already been observed the Court has not to consider the lawfulness of the prosecution under Turkish law questions of criminal law relating to the justification of the prosecution and consequently to the existence of a nexus causalis between the actions of Lieutenant Demons and the loss of eight Turkish nationals are not relevant to the issue so far as the Court is concerned Moreover the exact conditions in which these perçons perished do not appear from the documents submitted to the Court nevertheless there is no doubt that their death may be regarded as the direct et il n'a pas non plus été allégué de la part du Gouvernement français que cette relation entre cause et effet ne puisse exister 4 - Des poursuites pénales connexes ont eu lieu en même temps contre le lieutenant Demons et contre le capitaine du vapeur turc En ce qui concerne la notion de connexité l'agent du Gouvernement turc dans les conclusions de son Contre-Mémoire a renvoyé au Code d'instruction criminelle turc dont les dispositions seraient empruntées au Code français correspondant Or le droit français connaît entre autres la connexité par unité du temps et du lieu Donc en l'espèce la Cour interprète la notion en question dans ce sens que les poursuites contre le capitaine du vapeur turc pour lesquelles la compétence turque n'est pas contestée et celles qui ont été dirigées contre le lieutenant Demons ont été considérées par les autorités turques au point de vue de l'instruction de l'affaire comme une unité étant donné que la collision des deux vapeurs constitue un ensemble de faits dont l'appréciation au point de vue du droit pénal turc devait être confiée à la même juridiction 5 - Les poursuites pénales ont eu lieu en vertu de la législation turque Le compromis n'indique pas quelles dispositions de cette législation - soit une soit plusieurs - entrent en ligne de compte Aucun document n'a été soumis à la Cour qui permettrait de savoir sur la base de quel article du Code pénal turc les poursuites ont été exercées cependant le Gouvernement français déclare que la Cour criminelle a fondé sa compétence sur l'article 6 du Code pénal turc et loin de contredire cette allégation la Turquie dans les conclusions de son Contre-Mémoire affirme la conformité de cet article avec les principes du droit international 11 ne résulte pas de la procédure si les poursuites auraient été instituées uniquement sur la base dudit article L'article 6 du Code pénal turc a la teneur suivante dans la loi no 765 du I ' mars 1926 Journal officiel no 320 du 13 mars 1926 L'étranger qui hors les cas prévus par l'article 4 commet à l'étranger au préjudice de la Turquie ou d'un Turc un délit pour lequel la loi turque prononce une peine restrictive de la liberté dont le minimum ne soit pas inférieur à une année JUDGMENT No 9 -THE CASE O F THE S S LOTUS 14 outcome of the collision and the French Govemment has not contended that this relation of cause and effect cannot exist 4 -Lieutenant Demons and the captain of the Turkish steamship were prosecuted jointly and simultaneously In regard to the conception of connexity of offences connexite the Turkish Agent in the submissions of his Counter-Case has referred to the Turkish Code of criminal procedure for trial the provisions of which are said to have been taken from the corresponding French Code Now in French law amongst other factors coincidence of time and place may give rise to connexity connexité In this case therefore the Court interprets this conception as meaning that the proceedings against the captain of the Turkish vesse1 in regard to which the jurisdiction of the Turkish Courts is not disputed and the proceedings against Lieutenant Demons have been regarded by the Turkish authorities from the point of view of the investigation of the case as one and the same prosecution since the collision of the two steamers constitutes a complex of facts the consideration of which should from the standpoint of Turkish criminal law be entrusted to the same court 5 -The prosecution was instituted in pursuance of Turkish legislation The special agreement does not indicate what clause or clauses of that legislation apply No document has been submitted to the Court indicating on what article of the Turkish Penal Code the prasecution was based the French Govemment however declares that the Criminal Court claimed jurisdiction under Article 6 of the Turkish Penal Code and far from denying this statement Turkey in the submissions of her Counter-Case contends that that article is in conformity with the principles of international law I t does not appear from the proceedings whether the prosecution was instituted solely on the basis of that article Article 6 of the Turkish Penal Code Law No 765 of March s t 1926 Officia1Gazette No 320 of March 13th 1926 runs as follows Translation Any foreigner who apart from the cases contemplated by Article 4 commits an offence abroad to the prejudice of Turkey or of a Turkish subject for which offence Turkish law prescribes a penalty involving loss of freedom for a est puni d'après le Code pénal turc pourvu qu'il soit arrêté en Turquie Mais la peine est diminuée d'un tiers et au lieu de la peine de mort on applique vingt ans de prison lourde Toutefois dans ce cas les poursuites n'ont lieu qu'à la requête du ministre de la Justice ou sur la plainte de la Partie lésée Si le délit a été commis au préjudice d'un autre étranger le coupable est puni à la requête du ministre de la Justice suivant les dispositions édictées au premier alinéa du présent article pourvu toutefois « 1 qu'il s'agisse d'un fait pour lequel la loi turque prononce une peine restrictive de la liberté dont le minimum ne soit pas inférieur à trois ans 2 qu'il n'existe pas de traité d'extradition ou que l'extradition n'ait été acceptée ni par le gouvernement du lieu dans lequel l'inculpé a commis le délit ni par le gouvernement de sa patrie Même si la Cour doit admettre que les autorités turques aient cru devoir baser les poursuites contre le lieutenant Demons sur l'article 6 précité la question à elle soumise n'est pas celle de la compatibilité dudit article avec les principes du droit international elle est plus générale La Cour est appelée à constater si oui ou non les principes du droit international s'opposent à ce que la Turquie en vertu de sa législation exerce des poursuites pénales contre le lieutenant Demons Ni la conformité de l'article 6 comme tel avec les principes du droit international ni l'application de cet article par les autorités turques ne forment l'objet du litige c'est le fait même de l'institution des poursuites qui est considéré par la France comme étant en contradiction avec lesdits principes Ainsi le Gouvernement français a protesté d'emblée contre l'arrestation indépendamment de la question de savoir quelle disposition de sa législation la Turquie invoquerait pour la justifier Les arguments avancés par le Gouvernement français au cours de la procédure et fondés sur les principes qui selon lui devraient régir la navigation en haute mer démontrent qu'il contesterait à la Turquie la compétence pour les poursuites contre le lieutenant Demons même si elles se fondaient sur une disposition du Code pénal autre que l'article 6 en prenant par exemple comme point de départ que le délit en question devrait être considéré à cause de ses effets comme ayant été commis sur le territoire turc même minimum period of not less than one year shall be punished in accordance with the Turkish Penal Code provided that he is arrested in Turkey The penalty shall however be reduced by one third and instead of the death penalty twenty years of penal servitude shall be awarded Nevertheless in such cases the prosecution will only be instituted at the request of the Minister of Justice or on the complaint of the injured Party If the offence committed injures another foreigner the guilty person shall be punished at the request of the Minister of Justice in accordance with the provisions set out in the first paragraph of this article provided however that 1 the article in question is one for which Turkish law prescribes a penalty involving loss of freedom for a minimum period of three years 2 there is no extradition treaty or that extradition has not been accepted either by the government of the locality where the guilty person has committed the offence or by the government of his own country Even if the Court must hold that the Turkish authorities had seen fit to base the prosecution of Lieutenant Demons upon the above-mentioned Article 6 the question submitted to the Court is not whether that article is compatible with the principles of international law it is more general The Court is asked to state whether or not the principles of international law prevent Turkey from instituting criminal proceedings against Lieutenant Demons under Turkish law Neither the conformity of Article 6 in itself with the principles of international law nor the application of that article by the Turkish authorities constitutes the point at issue it is the very fact of the institution of proceedings which is held by France to be contrary to those principles Thus the French Government at once protested against his arrest quite independently of the question as to what clause of her legislation was relied upon by Turkey to justify it The arguments put forward by the French Government in the course of the proceedings and based on the principles which in its contention should govem navigation on the high seas show that it would dispute Turkey's jurisdiction to prosecute Lieutenant Demons even if that prosecution were based on a clause of the Turkish Penal Code other than Article 6 assuming for instance that the offence in question should be regarded by reason of its consequences to have been actually committed on Turkish territory II Après avoir établi la situation résultant du compromis la Cour doit maintenant vérifier quels sont les principes du droit international avec lesquels les poursuites contre le lieutenant Dernons pourraient éventuellement se trouver en contradiction C'est l'article 15 de la Convention de Lausanne du 24 juillet 1923 relative à l'établissement et à la compétence judiciaire qui renvoie les Parties contractantes aux principes du droit international pour la délimitation de leurs compétences judiciaires respectives Cette clause a la teneur suivante « En toutes matières sous réserve de l'article 16 les questions de compétence judiciaire seront dans les rapports entre la Turquie et les autres Puissances contractantes réglées conformément aux principes du droit international Le Gouvernement français soutient que le sens du terme « principes du droit international » dans ledit article devrait être recherché à la lumière de la genèse de la Convention précitée Il allègue à cet effet qu'au cours des travaux préparatoires le Gouvernement turc par un amendement à l'article pertinent d'un projet de texte a prétendu étendre sa compétence aux crimes commis dans le territoire d'un tiers État pourvu que en conformité avec les lois de la Turquie ces crimes fussent sous la juridiction des tribunaux turcs Cet amendement à propos duquel les représentants de la France et de l'Italie ont fait des réserves a été formellement repoussé par celui de la Grande-Bretagne et la question ayant été depuis renvoyée au Comité de rédaction celui-ci s'est limité dans sa version du projet à déclarer que la compétence judiciaire serait réglée d'accord avec les principes du droit international Le Gouvernement français déduit de ces faits que le procès intenté contre le lieutenant Demons est contraire à la pensée qui a dirigé l'élaboration de la Convention de Lausanne La Cour doit rappeler dans cet ordre d'idées ce qu'elle a dit dans certains de ses arrêts et avis précédents savoir qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des travaux préparatoires si le texte d'une convention est en lui-même suffisamment clair Or la Cour estime que le sens des mots principes du droit international » ne peut selon leur usage général signifier autre chose que le droit international tel qu'il est en vigueur entre toutes les nations faisant partie de la II Having determined the position resulting from the terms of the special agreement the Court must now ascertain which were the principles of international law that the prosecution of Lieutenant Demons could conceivably be said to contravene It is Article 15 of the Convention of Lausanne of July z4th 1923 respecting conditions of residence and business and jurisdiction which refers the contracting Parties to the principles of international law as regards the delimitation of their respective jurisdiction This clause is as follows Subject to the provisions of Article 16 al1 questions of jurisdiction shall as between Turkey and the other contracting Pqwers be decided in accordance with the principles of international law The French Government maintains that the meaning of the expression principles of international law in this article should be sought in the light of the evolution of the Convention Thus it States that during the preparatory work the Turkish Government by means of an amendment to the relevant article of a draft for the Convention sought to extend its jurisdiction to crimes committed in the territory of a third State provided that under Turkish law such crimes were within the jurisdiction of Turkish Courts This amendment in regard to which the representatives of France and Italy made reservations was definitely rejected by the British representative and the question having been subsequently referred to the Drafting Committee the latter confined itself in its version of the draft to a declaration to the effect that questions of jurisdiction should be decided in accordance with the principles of international law The French Government deduces from these facts that the prosecution of Demons is contrary to the intention which guided the preparation of the Convention of Lausanne The Court must recall in this connection what it has said in some of its preceding judgments and opinions namely that there is no occasion to have regard to preparatory work if the text of a convention is sufficiently clear in itself Now the Court considers that the words principles of international law as ordinarily used can only mean international law as it is applied between al1 nations belonging to the community of States This interpretation communauté internationale Cette interprétation se trouve soulignée par le contexte de l'article même qui dit que les principes du droit international déterminent entre les Parties contractantes les compétences judiciaires - du reste non seulement pénales mais aussi civiles - sauf la seule exception visée par l'article 16 En outre le préambule de la Convention dit que les Hautes Parties contractantes ont en vue un règlement conformément « au droit des gens moderne » et l'article 28 du Traité de paix de Lausanne auquel la Convention en question est annexée stipule l'abolition complète du régime des Capitulations « à tous points de vue » Dans ces conditions il n'est pas possible - sauf en vertu d'un texte précis d'interpréter le terme principes du droit international » autrement que comme signifiant les principes en vigueur entre toutes les nations indépendantes et qui partant s'appliquent au même titre à toutes les Parties contractantes Du reste les travaux préparatoires de la Convention sur l'établissement et la compétence judiciaire ne fourniraient aucun élément de nature à écarter l'interprétation qu'imposent les termes mêmes de l'article 15 Il est vrai que les représentants de la France de la Grande-Bretagne et de l'Italie ont repoussé l'amendement turc dont il a déjà été fait mention Mais seul le délégué britannique d'ailleurs en harmonie avec le droit intérieur de son pays qui consacre le principe de la territorialité en matière de juridiction pénale - a exposé les raisons de son opposition à l'amendement turc les motifs des réserves française et italienne ainsi que ceux qui ont fait exclure du projet élaboré par le Comité de rédaction toute spécification de l'étendue de la juridiction pénale vis-à-vis des étrangers sont inconnus et auraient pu n'avoir aucun rapport avec les raisons que la France invoque maintenant Il convient d'ajouter à ces observations que le texte primitif de l'article pertinent lequel texte limitait la juridiction turque aux crimes commis en Turquie même a été aussi mis de côté par le Comité de rédaction ce fait pourrait au même titre porter à croire que la pensée des rédacteurs de la Convention a été de ne restreindre aucunement cette juridiction Les deux propositions opposées tendant à définir d'une manière déterminée le champ d'application des lois pénales turques ayant été écartées la formule finalement adoptée d'un commun accord dans l'article 15 ne peut viser que les principes du droit international général sur les compétences judiciaires is borne out by the context of the article itself which says that the principles of international law are to determine questions of jurisdiction-not only criminal but also civil-between the contracting Parties subject only to the exception provided for in Article 16 Again the preamble of the Convention says that the High Contracting Parties are desirous of effecting a settlement in accordance with modern international law and Article 28 of the Treaty of Peace of Lausanne to which the Convention in question is annexed decrees the complete abolition of the Capitulations in every respect In these circumstances it is impossible-except in pursuance of a definite stipulation-to construe the expression principles of international law otherwise than as meaning the principles which are in force between al1 independent nations and which therefore apply equally to al1 the contracting Parties Moreover the records of the preparation of the Convention respecting conditions of residence and business and jurisdiction would not furnish anything calculated to overrule the construction indicated by the actual terms of Article 15 It is true that the representatives of France Great Britain and Italy rejected the Turkish amendment already mentioned But only the British delegate-and this conformably to British municipal law which maintains the territorial principle in regard to criminal jurisdiction-stated the reasons for his opposition to the Turkish amendment the reasons for the French and Italian reservations and for the omission from the draft prepared by the Drafting Committee of any definition of the scope of the criminal jurisdiction in respect of foreigners are unknown and might have been unconnected with the arguments now advanced by France I t should be added to these observations that the original draft of the relevant article which limited Turkish jurisdiction to crimes committed in Turkey itself was also discarded by the Drafting Committee this circumstance might with equal justification give the impression that the intention of the'framers of the Convention was not to limit this jurisdiction in any way The two opposing proposals designed to determine definitely the area of application of Turkish criminal law having thus been discarded the wording ultimately adopted by common consent for Article 15 can only refer to the principles of general international law relating to jurisdiction III La Cour appelée à examiner s'il y a des règles de droit international qui auraient été violées par l'exercice de poursuites pénales en vertu de la législation turque contre le lieutenant Demons se trouve placée en premier lieu devant une question de principe question qui en effet s'est révélée comme fondamentale dans les Mémoires Contre-Mémoires et plaidoiries des deux Parties Le Gouvernement français soutient la thèse suivant laquelle les tribunaux turcs pour être compétents devraient pouvoir se fonder sur un titre de compétence que le droit international reconnaîtrait en faveur de la Turquie Par contre le Gouvernement turc se place a u point de vue selon lequel l'article 15 admettrait la compétence judiciaire de la Turquie partout oh cette compétence ne se heurterait pas à un principe du droit international Ce dernier point de vue semble être conforme au compromis même dont le numéro I demande à la Cour de dire si la Turquie a agi en contradiction des principes du droit international et quels seraient - dans l'affirmative - ces principes Il ne s'agit donc pa selon le compromis de préciser les principes qui permettraient à la Turquie d'exercer les poursuites pénales mais de formuler les principes qui éventuellement auraient été violés par ces poursuites Cette manière de poser la question est commandée également par la nature même et les conditions actuelles du droit international Le droit international régit les rapports entre des États indépendants Les règles de droit liant les États procèdent donc de la volonté de ceux-ci volonté manifestée dans des conventions ou dans des usages acceptés généralement comme consacrant des principes de droit et établis en vue de régler la CO-existencede ces communautés indépendantes ou en vue de la poursuite de buts communs Les limitations de l'indépendance des États ne se présument donc pas Or la limitation primordiale qu'impose le droit international à l'État est celle d'exclure - sauf l'existence d'une règle permissive contraire - tout exercice de sa puissance sur le territoire d'un autre État Dans ce sens la juridiction est certainement territoriale elle ne pourrait être exercée hors du territoire sinon en vertu d'une III The Court having to consider whether there are any rules of international law which may have been violated by the prosecution in pursuance of Turkish law of Lieutenant Demons is confronted in the first place by a question of principle which in the written and oral arguments of the two Parties has proved to be a fundamental one The French Government contends that the Turkish Courts in order to have ju isdiction should be able to point to some title to jurisdiction recognized by international law in favour of Turkey On the other hand the Turkish Government takes the view that Article 15 allows Turkey jurisdiction whenever such jurisdiction does not come into conflict with a principle of international law The latter view seems to be in conformity with the speciaI agreement itself No I of which asks the Court to say whether Turkey has acted contrary to the principles of international law and if so what principles According to the special agreement therefore it is not a question of stating principles which would permit Turkey to take criminal proceedings but of formulating the principles if any which might have been violated by such proceedings This way of stating the question is also dictated by the very nature and existing conditions of international law International law governs relations between independent States The rules of law binding upon States therefore emanate from their own free will as expressed in conventions or by usages generally accepted as expressing principles of law and established in order to regulate the relations between these CO-existingindependent communities or with a view to the achievement of common aims Restrictions upon the independence of States cannot therefore be presumed Now the first and foremost restriction imposed by international law upon a State is that-failing the existence of a permissive rule to the contrary-it may not exercise its power in any form in the territory of another State In this sense jurisdiction is certainly territorial it cannot be exercised by a State outside its territory règle permissive découlant du droit international coutumier ou d'une convention Mais il ne s'ensuit pas que le droit international défend à un État d'exercer dans son propre territoire sa juridiction dans toute affaire où il s'agit de faits qui se sont passés à l'étranger et où il ne peut s'appuyer sur une règle permissive du droit international Pareille thèse ne saurait être soutenue que si le droit international défendait d'une manière générale aux États d'atteindre par leurs lois et de soumettre à la juridiction de leurs tribunaux des personnes des biens et des actes hors du territoire et si par dérogation à cette règle générale prohibitive il permettait aux États de ce faire dans des cas spécialement déterminés Or tel n'est certainement pas l'état actuel du droit international Loin de défendre d'une manière générale aux États d'étendre leurs lois et leur juridiction à des personnes des biens et des actes hors du territoire il leur laisse à cet égard une large liberté qui n'est limitée que dans quelques cas par des règles prohibitives pour les autres cas chaque État reste libre d'adopter les principes qu'il juge les meilleurs et les plus convenables C'est Eette liberté que le droit international laisse aux États qui explique la variété des règles qu'ils ont pu adopter sans opposition ou réclamations de la part des autres États c'est en vue d'apporter un remède aux inconvénients qui dérivent de pareille variété qu'on s'efforce depuis des années en Europe aussi bien qu'en Amérique d'élaborer des conventions dont l'effet serait justement de restreindre la liberté que le droit international laisse actuellement aux États dans cette matière en comblant ainsi des lacunes de compétences ou en faisant disparaître des concurrences de compétences résultant de la diversité des principes adoptés dans les différents États Dans ces conditions tout ce qu'on peut demander à un État c'est de ne pas dépasser les limites que le droit international trace à sa compétence en de@ de ces limites le titre à la juridiction qu'il exerce se trouve dans sa souveraineté Il dérive de ce qui précède que la thèse du Gouvernement français d'après laquelle la Turquie devrait dans chaque cas se prévaloir d'une règle du droit international l'autorisant à exercer sa juridiction est en opposition avec le droit international général auquel renvoie l'article 15 de la Convention de Lausanne Pareille thèse qui vu les termes dudit article 15 et l'interprétation que la except by virtue of a permissive rule derived from intelznational custom or from a convention I t does not however follow that international law prohibits a State from exercising jurisdiction in its own territory in respect of any case which relates to acts which have taken place abroad and in which it cannot rely on some permissive rule of international law Such a view would only be tenable if international law contained a general prohibition to States to extend the application of their laws and the jurisdiction of their courts to persons property and acts 'outside their territory and if as an exception to this general prohibition it allowed States to do so in certain specific cases But this is certainly not the case under international law as it stands at present Far from laying down a general prohibition to the effect that States may not extend the application of their laws and the jurisdiction of their courts to personç property'and acts outside their territory it leaves them in this respect a wide measure of discretion which is only limited in certain cases by prohibitive rules as regards other cases every State remains free to adopt the principles which it regards as best and most suitable This discretion left to States by international law explains the great variety of rules which they have been able to adopt without objections or complaints on the part of other States it is in order to remedy the difficulties resulting from such variety that efforts have been made for many years past both in Europe and America to prepare conventions the effect of which would be precisely to limit the discretion at present left to States in this respect by international law thus making good the existing lacunce in respect of jurisdiction or removing the conflicting jurisdictions arising from the diversity of the principles adopted by the various States In these circumstances al1 that can be required of a State is that it should not overstep the limits which international law places upon its jurisdiction within these limits its title to exercise jurisdiction rests in its sovereignty It follows from the foregoing that the contention of the French Government to the effect that Turkey must in each case be able to cite a rule of international law authorizing her to exercise jurisdiction is opposed to the generally accepted international law to which Article 15 of the Convention of Lausanne refers Having regard to the terms of Article 15 and to the construction which 3 Cour vient de lui donner s'appliquerait en matière civile aussi bien que pénale et avec une réciprocité parfaite dans les rapports entre la Turquie et les autres Parties contractantes aurait pratiquement le résultat de paralyser dans bien des cas l'activité des tribunaux faute de la possibilité d'invoquer une règle universellement admise sur laquelle l'exercice de la juridiction pourrait s'appuyer Toutefois il y a lieu de se demander si les considérations qui précèdent valent réellement pour la matière pénale ou si ce domaine est régi par un principe différent qui pourrait s'expliquer par le lien étroit qui a longtemps existé entre la suprême juridiction pénale et la notion d'État ainsi que par l'importance particulière que possède la juridiction pénale pour la personnalité humaine S'il est vrai que le principe de la territorialité du droit pénal est à la base de toutes les législations il n'en est pas moins vrai que toutes ou presque toutes ces législations étendent leur action à des délits commis hors du territoire et cela d'après des systèmes qui changent d'État à État La territorialité du droit pénal n'est donc pas un principe absolu du droit international et ne se confond aucunement avec la souveraineté territoriale Cette situation peut être envisagée de deux manières différentes correspondant aux points de vue auxquels les Parties se sont respectivement placées Selon l'un de ces systèmes le principe de la liberté en vertu duquel chaque État peut régler sa législation selon sa convenance tant que ce faisant il ne se heurte pas à une limitation imposée par le droit international s'appliquerait également dans le domaine de la législation gouvernant l'étendue de la compétence judiciaire en matière pénale Selon l'autre système le caractère exclusivement territorial de la législation en cette matière constituerait un principe qui excluerait ifiso facto sauf exceptions expresses le droit pour les États d'étendre au delà de leurs frontières la juridiction pénale de leurs tribunaux les exceptions en question qui comprennent par exemple la juridiction extraterritoriale sur les propres ressortissants et celle relative aux crimes contre la sûreté de l'État reposeraient dès lors sur des règles permissives spéciales faisant partie du droit international JUDGMENT No $-THE CASE OFTHE S S LOTUS 20 the Court has just placed upon it this contention would apply in regard to civil as well as to criminal cases and would be applicable on conditions of absolute reciprocity as between Turkey and the other contracting Parties in practice it would therefore in many cases result in paralyzing the action of the courts owing to the impossibility of citing a universally accepted rule on which to support the exercise of their jurisdiction Nevertheless it has to be seen whether the foregoing considerations really apply as regards criminal jurisdiction or whether this jurisdiction is governed by a different principle this might be the outcome of the close connection which for a long time existed between the conception of supreme criminal jurisdiction and that of a State and also by the especial importance of criminal jurisdiction from the point of view of the individual Though it is true that in al1 systems of law the principle of the territorial character of criminal law is fundamental it is equally true that al1 or nearly al1 these systems of law extend their action to offences committed outside the territory of the State which adopts them and they do so in ways which Vary from State to State The territoriality of criminal law therefore is not an absolute principle of international law and by no means coincides with territorial sovereignty This situation may be considered from two different standpoints corresponding to the points of view respectively taken up by the Parties According to one of these standpoints the principle of freedom in virtue of which each State may regulate its legislation at its discretion provided that in so doing it does not come in conflict with a restriction imposed by international law would also apply as regards law governing the scope of jurisdiction in criminal cases According to the other standpoint the exclusively territorial character of law relating to this domain constitutes a principle which except as othenvise expressly provided would ipso facto prevent States from extending the criminal jurisdiction of their courts beyond their frontiers the exceptions in question which include for instance extraterritorial jurisdiction over nationals and over crimes directed against public safety would therefore rest on special permissive rules forming part of international law Si l'on se place pour les besoins de la démonstration au point de vue du dernier de ces systèmes on doit reconnaître que son exactitude dépend faute d'une règle conventionnelle de l'existence d'une coutume ayant force de droit par laquelle il serait consacré 11 en est de même en ce qui concerne l'applicabilité du système en question - à le supposer reconnu comme bien-fondé -au cas d'espèce Il s'ensuit que même à ce point de vue avant de rechercher s'il y a éventuellement une règle du droit international permettant expressément à la Turquie d'instituer des poursuites contre un étranger pour un délit qu'il aurait commis hors la Turquie il faudrait commencer par démontrer en même temps le bien-fondé du système et son applicabilité à l'espèce Or la première de ces démonstrations doit consister ainsi qu'on vient de le voir précisément dans la preuve de l'existence d'un principe du droit international limitant la liberté des États en matière de législation pénale Par conséquent que l'on adopte l'un ou l'autre des deux systèmes exposés ci-dessus on aboutit dans le cas d'espèce au même résultat la nécessité de rechercher si oui ou non le droit international comporte un principe en vertu duquel il aurait été interdit à la Turquie d'exercer dans les circonstances de ce cas des poursuites pénales contre le lieutenant Demons Et dans les deux hypothèses également la recherche doit se fàire au moyen d'un examen de précédents présentant une analogie étroite avec le cas d'espèce car c'est seulement dans les précédents de cette nature que pourrait se manifester le cas échéant l'existence d'un principe général applicable à l'espèce En effet si par exemple on trouvait que selon la pratique des États la compétence de l'État du pavillon n'est pas consacrée comme exclusive par le droit international pour le cas d'abordage en haute mer il ne serait pas nécessaire de rechercher l'existence éventuelle d'une règle restrictive plus générale car par rapport à cette règle - à supposer qu'elle existât - l'absence constatée d'une prohibition visant le cas d'abordage en haute mer prendrait l'aspect d'une règle permissive spéciale La Cour doit donc en tout état de cause examiner s'il existe oui ou non une règle de droit international limitant la liberté des États d'étendre la juridiction pénale de leurs tribunaux à une situation réunissant les circonstances du cas d'espèce -4dopting for the purposes of the argument the standpoint of the latter of these two systems it must be recognized that in the absence of a treaty provision its correctness depends upon whether there is a custom having the force of law establishing it The same is true as regards the applicability of this systemassuming it to have been recognized as sound-in the particular case I t follows that even from this point of view before asce taining whether there may be a rule of international law expressly allowing Turkey to prosecute a foreigner for an offence committed by him outside Turkey it is necessary to begin by establishing both that the system is well-founded and that it is applicable in the particular case Now in order to establish the first of these points one must as has just been seen prove the existence of a principle of international law restricting the discretion of States as regards criminal legislation Consequently whichever of the two systems described above be adopted the same result will be arrived at in this particular case the necessity of ascertaining whether or not under international law there is a principle which would have prohibited Turkey in the circumstances of the case before the Court from prosecuting Lieutenant Demons And moreover on either hypothesis this must be ascertained by examining precedents offering a close analogy to the case under consideration for it is only from precedents of this nature that the existence of a general principle applicable to the particular case may appear For if it were found for example that according to the practice of States the jurisdiction of the State whose flag was flown was not established by international law as exclusive with regard to collision cases on the high seas it would not be necessary to ascertain whether there were a more general restriction since as regards that restriction-supposing that it existed-the fact that it had been established that there was no prohibition in respect of collision on the high seas would be tantamount to a special permissive rule The Court therefore must in any event ascertain whether or not there exists a rule of international law limiting the freedom of States to extend the criminal jurisdiction of their courts to a situation uniting the circumstances of the present case IV La Cour procède maintenant à cette recherche Y a-t-il dans le - droit international général auquel renvoie l'article 15 de la Convention de Lausanne une règle qui défende à la Turquie d'exercer des poursuites pénales contre le lieutenant Demons A cet effet elle examinera en premier lieu la valeur des allégations faites par le Gouvernement français sans toutefois omettre de prendfe en considération d'autres aspects possibles du problème qui pourraient démontrer l'existence de la règle restrictive applicable en l'espèce Les arguments invoqués par le Gouvernement français autres que ceux qui ont été discutés ci-dessus se réduisent en somme aux trois suivants 1 Le droit international ne permettrait pas à un État de poursuivre les délits commis par les étrangers à l'étranger en raison seulement de la nationalité de la victime et tel serait le cas en l'espèce car le délit devrait être considéré comme ayant été commis à bord du navire français 2 Le droit international reconnaîtrait la compétence exclusive de l'État du pavillon pour tout ce qui se passe à bord du navire dans la haute mer 3 Enfin ce principe s'imposerait avec une force toute particulière lorsqu'il s'agit d'un fait d'abordage En ce qui concerne le premier argument la Cour croit devoir rappeler tout d'abord que son examen se borne strictement à la situation d'espèce car c'est seulement à l'égard de cette situation que sa décision est demandée Comme il a été constaté ci-dessus les éléments caractéristiques de la situation de fait sont les suivants il s'agit d'une collision en haute mer entre deux navires de pavillons différents sur l'un desquels se trouvait un des prétendus auteurs du délit tandis que les victimes se trouvaient sur l'autre Ceci posé la Cour ne croit pas nécessaire d'examiner la thèse d'après laquelle un État ne pourrait punir les délits commis à l'étranger par un étranger en raison seulement de la nationalité JUDGMENT NO 9 -THE CASE OF T H E S S LOTUS 22 IV The Court will now proceed to ascertain whether general international law to which Article 15 of the Convention of Lausanne refers contains a rule prohibiting Turkey from prosecuting Lieutenant Demons For this purpose it will in the first place examine the value of the arguments advanced by the French Government without however omitting to take into account other possible aspects of the problem which might show the existence of a restrictive rule applicable in this case The arguments advanced by the French Government other than those considered above are in substance the three following 1 International law does not allow a State to take proceedings with regard to offences committed by foreigners abroad simply by reason of the nationality of the victim and such is the situation in the present case because the offence must be regarded as having been committed on board the French vessel 2 International law recognizes the exclusive jurisdiction of the State whose flag is flown as regards everything which occurs on board a ship on the high seas 3 Lastly this principle is especially applicable in a collision case As regards the first argument the Court feels obliged in the first place to recall that its examination is strictly confined to the specific situation in the present case for it is only in regard to this situation that its decision is asked for As has already been observed the characteristic features of the situation of fact are as follows there has been a collision on the high seas between two vessels flying different flags on one of which was one of the perçons alleged to be guilty of the offence whilst the victims were on board the other This being so the Court does not think it necessary to consider the contention that a State cannot punish offences committed abroad by a foreigner simply by reason of the nationality of the de la victime Car cette thèse ne vise que le cas où la nationalité de la victime est le seul critère sur lequel se fonde la juridiction pénale de l'État Même si la thèse en général était exacte - et la Cour fait toutes réserves à cet égard - elle ne saurait être invoquée en l'espèce que si le droit international défendait à la Turquie de tenir compte du fait que les effets du délit se sont produits sur le navire turc et partant dans un lieu assimilé au territoire turc dans lequel l'application du droit pénal turc ne peut être contestée même par rapport aux délits qui y ont été commis par des étrangers Or pareille règle du droit international n'existe pas Aucun argument d'où il résulterait que les États se reconnaissent obligés l'un envers l'autre de tenir compte seulement du lieu oh se trouve l'auteur du délit au moment du délit n'est venu à la connaissance de la Cour Par contre il est constant que les tribunaux de beaucoup de pays même de pays qui donnent à leur législation pénale un caractère strictement territorial interprètent la loi pénale dans ce sens que les délits dont les auteurs au moment de l'acte délictueux se trouvent sur le territoire d'un autre État doivent néanmoins être considérés comme ayant été commis sur le territoire national si c'est là que s'est produit un des éléments constitutifs du délit et surtout ses effets La jurisprudence française a admis elle aussi par rapport à des situations diverses cette manière d'interpréter le principe de la territorialité D'autre part la Cour n'a pas connaissance de cas dans lesquels des gouvernements auraient protesté contre le fait qu'une loi pénale contiendrait une règle à cet effet ou que les tribunaux d'un pays auraient interprété leur législation pénale dans ce sens Par conséquent du moment que les effets du délit se sont produits sur le navire turc il est impossible de soutenir qu'il y ait une règle de droit international qui défendrait à la Turquie d'exercer des poursuites pénales contre le lieutenant Demons en raison du fait que l'auteur du délit se trouvait sur le navire français Puisque ainsi qu'il a été précédemment constaté le compromis ne vise pas l'article de la législation turque en vertu duquel les poursuites pénales ont été exercées mais seulement la contradiction éventuelle entre les poursuites et les principes du droit international rien ne s'oppose à ce que la Cour se borne à relever que dans l'espèce les poursuites pénales peuvent être justifiées aussi au point de vue du principe dit de la territorialité JUDGMENT No 9 -THE CASE O F T H E S S LOTUS 23 victim For this contention only relates to the case where the nationality of the victim is the only criterion on which the criminal jurisdiction of the State is based Even if that argument were correct generally speaking-and in regard to this the Court reserves its opinion-it could only be used in the present case if international law forbade Turkey to take into consideration the fact that the offence produced its effects on the Turkish vessel and consequently in a place assimilated to Turkish territory in which the application of Turkish criminal law cannot be challenged even in regard to offences committed there by foreigners But no such rule of international law exists No argument has come to the knowledge of the Court from which it could be deduced that States recognize themselves to be under an obligation towards each other only to have regard to the place where the author of the offence happens to be at the time of the offence On the contrary it is certain that the courts of many countries even of countries which have given their criminal legislation a strictly territorial character interpret criminal law in the sense that offences the authors of which at the moment of commis ' J I O are in the territory of another State are nevertheless to be regarded as having been cornmitted in the national territory if one of the constituent elements of the offence and more especially its effects have taken place there French courts have in regard to a variety of situations given decisions sanctioning this way of interpreting the territorial principle Again the Court does not know of any cases in which goverriments have protested against the fact that the criminal law of some country contained a rule to this effect or that the courts of a country construed their criminal law in this sense Consequently once it is admitted that the effects of the offence were produced on the Turkish vessel it becomes impossible to hold that there is a rule of international law which prohibits Turkey from prosecuting Lieutenant Demons because of the fact that the author of the offence was on board the French ship Since as has already been observed the special agreement does not deal with the provision of Turkish law under which the prosecution was instituted but only with the question whether the prosecution should be regarded as contrary to the principles of international law there is no reason preventing the Court from confiningitself to observing that in this case a prosecution may also be justified from the point of view of the so-called territorial principle Cependant même si la Cour avait à examiner la compatibilité de l'article 6 du Code pénal turc avec le droit international et si elle estimait que la nationalité de la victime n'était pas en tout état de cause une base suffisante pour la compétence 'pénale de l'État dont la victime est un ressortissant elle arriverait au même résultat pour les raisons qui viennent d'être exposées Car quand bien même l'article 6 eût été jugé incompatible avec les principes du droit international comme il eût pu se faire que les poursuites intentées eussent été fondées sur une autre disposition législative turque qui elle ne serait pas incompatible avec lesdits principes il en résulte que du seul fait de la non-conformité éventuelle auxdits principes de l'article 6 l'on ne saurait conclure à la non-conformité des poursuites elles-mêmes Le fait que les autorités judiciaires auraient commis une erreur dans le choix de la disposition légale applicable en l'espèce et compatible avec le droit international ne concerne que le droit interne et ne pourrait intéresser le droit international que dans la mesure où une règle conventionnelle ou la possibilité d'un déni de justice entreraient en ligne de compte On a cherché à faire valoir que le délit d'homicide par imprudence ne saurait être localisé dans le lieu où l'effet mortel se produit car cet effet n'est pas voulu et l'on ne saurait dire qu'il y ait intention délictueuse dirigée dans la pensée du délinquant vers le territoire où l'effet mortel se produit Contre cette thèse on pourrait faire observer que l'effet a une importance toute particulière dans les délits tels que l'homicide par imprudence qui sont punis justement en considération de leur effet plutôt que de la condition subjective du délinquant Mais la Cour ne se croit pas appelée à examiner cette question qui est une question d'interprétation de la loi pénale turque Il lui suffit de constater que rien n'a été allégué et rien n'a pu être trouvé d'où il résulterait que le droit international aurait établi une règle imposant aux États pareille interprétation de la notion du délit d'homicide par imprudence Le second argument invoqué par le Gouvernement français est le principe d'après lequel l'État du pavillon posséderait une compétence exclusive sur tout ce qui se passe à bord d'un navire marchand en haute mer JUDGMENT No 9 -THE CASE O F THE S S LOTUS 24 Nevertheless even if the Court had to consider whether Article 6 of the Turkish Penal Code wa5 compatible with international law and if it held that the nationality of the victim did not in all circumstances constitute a sufficient basis for the exercise of criminal jurisdiction by the State of which the victim was a national the Court would arrive at the same conclusion for the reasons just set out For even were Article 6 to be held incompatible with the principles of international law since the prosecution might have been based on another provision of Turkish law which would not have been contrary to any principle of international law it follows that it would be impossible to deduce from the mere fact that Article 6 was not in conformity with those principles that the prosecution itself was contrary to them The fact that the judicial authorities may have committed an error in their choice of the legal provision applicable to the particular case and compatible with international law only concerns municipal law and can only affect international law in so far as a treaty provision enters into account or the possibility of a denial of justice arises It has been sought to argue that the offence of manslaughter cannot be localized at the spot where the mortal effect is felt for the effect is not intentional and it cannot be said that there is in the mind of the delinquent any culpable intent directed towards the territory where the mortal effect is produced In reply to this argument it might be observed that the effect is a factor of outstanding importance in offences such as manslaughter which are punished precisely in consideration of their effects rather than of the subjective intention of the delinquent But the Court does not feel called upon to consider this question which is one of interpretation of Turkish criminal law It will suffice to observe that no argument has been put forward and nothing has been found from which it would follow that international law has established a rule imposing on States this reading of the conception of the offence of manslaughter The second argument put forward by the French Government is the principle that the State whose flag is flown has exclusive jurisdiction over everything which occurs on board a merchant ship on the high seas 11 est certainement vrai que - en dehors des cas particuliers déterminés par le droit international - les navires en haute mer ne sont soumis à d'autre autorité qu'à celle de l'État dont ils portent le pavillon En vertu du principe de la liberté de la mer c'est-à-dire de l'absence de toute souveraineté territoriale en haute mer aucun État ne peut y exercer des actes de juridiction quelconques sur des navires étrangers C'est ainsi que si un navire de guerre se trouvant sur les lieux où se produit un abordage entre un navire battant son pavillon et un navire étranger envoyait à bord de ce dernier un officier pour y faire des constatations ou y recueillir des témoignages cet acte serait sans doute contraire au droit international Mais il n'en dérive aucunement qu'un État ne puisse jamais dans son propre territoire exercer une juridiction sur des actes qui se sont passés à bord d'un navire étranger en haute mer Le principe de la liberté de la mer a pour conséquence que le navire en haute mer est assimilé au territoire de l'État dont il porte le pavillon car comme dans le territoire cet État y fait valoir son autorité et aucun autre État ne peut y exercer la sienne Tout ce qu'on peut dire est que en vertu du principe de la liberté de la mer un navire est placé dans la même situation que le territoire de l'État mais rien ne vient à l'appui de la prétention selon laquelle les droits qu'a l'État du pavillon peuvent aller au delà des droits qu'il exerce dans son territoire proprement dit Il s'ensuit que ce qui se passe à bord d'un navire en haute mer doit être regard6 comme s'étant passé dans le territoire de l'État dont le navire porte le pavillon Si donc un acte délictueux commis sur un navire en haute mer produit ses effets sur un navire portant un autre pavillon ou sur un territoire étranger il y a lieu d'appliquer les mêmes principes que s'il s'agissait de deux territoires d'États différents et partant de constater qu'aucune règle de droit international ne défend à l'État dont relève le navire où les effets du délit se sont manifestés de considérer ce délit comme s'il avait été commis dans son territoire et d'exercer des poursuites pénales contre le délinquant Cette conclusion ne saurait être tenue en échec que s'il était démontré qu'il y a une règle de droit international coutumier qui dépassant le principe susénoncé consacrerait la compétence exclusive de l'État du pavillon Le Gouvernement français s'est efforcé de démontrer l'existence d'une pareille règle en ayant recours à la doctrine aux précédents de la jurisprudence nationale JUDGMENT NO 9 -THE CASE OF THE S S LOTUS 25 It is certainly true that-apart from certain special cases which are defined by international law-vessels on the high seas are subject to no authority except that of the State whose flag they fly In virtue of the principle of the freedom of the seas that is to Say the absence of any territorial sovereignty upon the high seas no State may exercise any kind of jurisdiction over foreign vessels upon them Thus if a war vessel happening to be at the spot where a collision occurs between a vessel flying its flag and a foreign vessel were to send on board the latter an officer to make investigations or to take evidence such an act would undoubtedly be contrary to international law But it by no means follows that a State can never in its own territory exercise jurisdiction over acts which have occurred on board a foreign ship on the high seas A corollary of the principle of the freedom of the seas is that a ship on the high seas is assimilated to the territory of the State the flag of which it flies for just as in its own territory that State exercises its authority upon it and no other State may do so Al1 that can be said is that by virtue of the principle of the freedom of the seas a ship is placed in the same position as national territory but there is nothing to support the claim according to which the rights of the State under whose flag the vessel sails may go farther than the rights which it exercises within its territory properly so called I t follows that what occurs on board a vessel on the high seas must be regarded as if it occurred on the territory of the State whose flag the ship flies If therefore a guilty act committed on the high seas produces its effects on a vessel flying another flag or in foreign territory the same principles must be applied as if the territories of two different States were concerned and the conclusion must therefore be drawn that there is no rule of international law prohibiting the State to which the ship on which the effects of the'offence have taken place belongs from regarding the offence as having been committed in its territory and prosecuting accordingly the delinquent This conclusion could only be overcome if it were shown that there was a rule of customary international law which going further than the principle stated above established the exclusive jurisdiction of the State whose flag was flown The French Government has endeavoured to prove the existence of such a rule having recourse for this purpose to the teachings of publicists to decisions et internationale et surtout à des conventions qui en même temps qu'elles dérogent au principe de la liberté de la mer en permettant aux navires de guerre ou de police d'un État d'exercer une surveillance plus ou moins étendue sur les navires de commerce d'un autre État réservent la juridiction aux tribunaux de l'État dont le navire poursuivi porte le pavillon Tle l'avis de la Cour cette démonstration n'est pas concluante Tout d'abord en ce qui concerne la doctrine et quelle que puisse être par ailleurs sa valeur lorsqu'il s'agit de constater l'existence d'une règle de droit coutumier il est certainement vrai que tous ou presque tous les auteurs enseignent que les navires en pleine mer sont soumis exclusivement à la juridiction de l'État du pavillon Mais ce qui importe est la signification qu'ils attachent à ce principe or il n'apparaît pas que généralement les auteurs donnent à ce principe une portée différente et plus large que celle qui a été exposée ci-dessus et qui revient à dire que la juridiction de l'État sur les navires en haute mer a la même étendue que sa juridiction dans son propre territoire Par contre il ne manque pas d'auteurs qui ayant examiné de près la question spéciale de savoir si un État peut poursuivre des délits commis à bord d'un navire étranger en haute mer arrivent à la conclusion ferme que ces délits doivent être considérés comme s'ils avaient été commis dans le territoire de l'gtat dont le navire porte le pavillon et que partant les règles générales de chaque législation concernant les délits commis à l'étranger leur sont applicables Quant aux précédents il convient d'observer en premier lieu que réserve faite pour les cas d'abordage dont il sera parlé plus loin aucun n'a trait à des délits qui auraient intéressé deux navires battant le pavillon de deux États différents et que partant ils ne sauraient avoir beaucoup d'importance dans l'affaire qui est devant la Cour Le cas du Costa Rica Packet ne fait pas exception car la pirogue sur laquelle les actes de déprédation avaient eu lieu était à la dérive sans pavillon ni équipage et cette circonstance n'a pas été sans exercer une influence peut-être décisive sur la conclusion à laquelle l'arbitre est arrivé Par contre il ne manque pas de cas dans lesquels un État a fait valoir son droit de poursuivre un délit commis à bord d'un navire étranger et qu'il regardait comme punissable d'après sa législation C'est ainsi que la Grande-Bretagne a refusé aux États- of municipal and international tribunals and especially to conventions which whilst creating exceptions to the principle of the freedom of the seas by permitting the war and police vessels of a State to exercise a more or less extensive control over the merchant vessels of another State reserve jurisdiction to the courts of the country whose flag is flown by the vesse1 proceeded against In the Court's opinion the existence of such a rule has not been conclusively proved In the first place as regards teachings of publicists and apart from the question as to what their value may be from the point of view of establishing the existence of a rule of customary law it is no doubt true that al1 or nearly al1 writers teach that ships on the high seas are subject exclusively to the jurisdiction of the State whose flag they fly But the important point is the significance attached by them to this principle now it does not appear that in general writers bestow upon this principle a scope differing from or wider than that explained above and which is equivalent to saying that the jurisdiction of a State over vessels on the high seas is the same in extent as its jurisdiction in its own territory On the other hand there is no lack of writers who upon a close study of the special question whether a State can prosecute for offences committed on board a foreign ship on the high seas definitely come to the conclusion that such offences must be regarded as if they had been committed in the territory of the State whose flag the ship flies and that consequently the general rules of each legal system in regard to offences committed abroad are applicable In regard to precedents it should first be observed that leaving aside the collision cases which will be alluded to later none of them relates to offences affecting two ships flying the flags of two different countries and that consequently they are not of much importance in the case before the Court The case of the Costa Rica Packet is no exception for the prauw on which the alleged depredations took place was adrift without flag or crew and this circumstance certainly influenced perhaps decisively the conclusion arrived at by the arbitrator On the other hand there is no lack of cases in which a State has claimed a right to prosecute for an offence committed on board a foreign ship which it regarded as punishable under its legislation Thus Great Britain refused the request of the United Unis l'extradition de John Anderson matelot anglais qui avait commis un homicide à bord d'un navire américain en alléguant qu'elle ne contestait pas la juridiction des États-Unis mais qu'elle avait le droit d'exercer la sienne concurremment Ce précédent auquel d'autres pourraient être ajoutés est pertinent malgré la nationalité britannique d'Anderson pour démontrer que le principe de la juridiction exclusive du pays du pavillon n'est pas universellement admis Les cas dans lesquels la compétence exclusive de l'État du pavillon a été reconnue semblent être plutôt des cas dans lesquels l'État étranger n'était intéressé qu'au titre de la nationalité de la victime titre que la législation de cet État même ou la jurisprudence de ses tribunaux ne regardaient pas comme suffisant pour autoriser la poursuite d'un délit commis par un étranger à l'étranger Pour ce qui a trait enfin aux conventions qui réservent expressément la juridiction exclusive de l'État du pavillon il n'est pas absolument certain que cette réserve doive être regardée comme le maintien du droit commun plutôt que comme la contre-partie de la compétence extraordinaire que ces conventions reconnaissent aux navires d'État d'un pays déterminé à l'égard des navires d'un autre pays en haute mer A part cela il y a lieu d'observer que dans ces conventions il s'agit de faits d'un caractère particulier étroitement liés avec la police des mers tels que traite des esclaves endommagement de câbles sous-marins pêche etc et non de délits de droit commun Surtout il y a lieu de rappeler que les délits prévus par les conventions dont il s'agit ne mettent en jeu qu'un seul navire on ne saurait donc en tirer aucune conclusion à l'égard de faits qui mettent en présence deux navires et partant deux juridictions d'États différents La Cour arrive donc à la conclusion que le second argument invoqué par le Gouvernement français pas plus que le premier ne conduit à admettre l'existence d'une règle de droit international qui aurait défendu à la Turquie d'exercer des poursuites pénales contre le lieutenant Demons Il ne reste plus alors qu'à examiner le troisième argument allégué par le Gouvernement français et à rechercher si une règle JUDGMENT NO 9 -THE CASE OF T H E S S LOTUS 27 States for the extradition of John Anderson a British seaman who had committed homicide on board an American vessel stating that she did not dispute the jurisdiction of the United States but that she was entitled to exercise hers concurrently This case t o which others might be added is relevant in spite of Anderson's British nationality in order to show that the principle of the exclusive jurisdiction of the country whose flag the vessel flies is not universally accepted The cases in which the exclusive jurisdiction of the State whose flag was flown has been recognized would seem rather to have been cases in which the foreign State was interested only by reason of the nationality of the victim and in which according to the legislation of that State itself or the practice of its courts that ground was not regarded as sufficient to authorize prosecution for an offence committed abroad by a foreigner Finaily as regards conventions expressly reserving jurisdiction exclusively t o the State whose flag is flown it is not absolutely certain that this stipulation is to be regarded as expressing a general principle of law rather than as corresponding to the extraordinary jurisdiction which these conventions confer on the stateowned ships of a particular country in respect of ships of another country on the high seas Apart from that it should be observed that these conventions relate to matters of a particular kind closel y connected with the policing of the seas such as the slave trade damage to submarine cables fisheries etc and not to commonlaw offences Above al1 it should be pointed out that the offences contemplated by the conventions in question only concern a single ship it is impossible therefore to make any deduction from them in regard to matters which concern two ships and consequently tfie jurisdiction of two different States The Court therefore has arrived at the conclusion that the second argument put fonvard by the French Government does not any more than the first establish the existence of a rule of international law prohibiting Turkey from prosecuting Lieutenant Demons I t only remains to examine the third argument advanced by the French Government and to ascertain whether a rule specially 4 spéciale aux cas d'abordage serait formée d'après laquelle les poursuites pénales seraient du ressort exclusif de l'État du pavillon Dans cet ordre d'idées l'agent du Gouvernement français a appelé l'attention de la Cour sur le fait que les questions de compétence en rhatière d'abordage si fréquentes devant les juridictions civiles ne se rencontrent que très rarement dans la jurisprudence des tribunaux répressifs Il en déduit que en fait la poursuite pénale ne se présente que devant les tribunaux de l'État du pavillon et qu'il y aurait là la preuve d'un consentement tacite des États et partant l'expression du droit international positif en matière d'abordage De l'avis de la Cour cette conclusion n'est pas fondée Même si la rareté des décisions judiciaires que l'on peut trouver dans les recueils de jurisprudence était une preuve suffisante du fait invoqué par l'agent du Gouvernement français il en résulterait simplement que les États se sont souvent abstenus en fait d'exercer des poursuites pénales et non qu'ils se reconnaissent obligés de ce faire or c'est seulement si l'abstention était motivée par la conscience d'un devoir de s'abstenir que l'on pourrait parler de coutume internationale Le fait allégué ne permet pas de conclure que les États aient été conscients de pareil devoir par contre comme on le verra tout à l'heure il y a d'autres circonstances qui sont de nature à persuader du contraire A la connaissance de la Cour il n'y a pas de décisions de tribunaux internationaux en cette matière mais on a cité quelques décisions de tribunaux nationaux Sans rechercher quelle valeur on pourrait attribuer à des jugements de tribunaux nationaux lorsqu'il s'agit d'établir l'existence d'une règle de droit international il suffira de constater que les décisions alléguées sont à l'appui tantôt d'une opinion tantôt de l'autre Si le cas de 1'0rtigia - Oncle-Joseph devant la Cour d'Aix et celui du Franconia -Strathclyde devant la Cour anglaise des Crown Cases Reserved ont pu être invoqués par le Gouvernement français comme étant en faveur de la compétence exclusive de l'État du pavillon par contre le cas de 1' Ortigia - Oncle-Joseph devant les tribunaux italiens et celui de 1'Ekbatana - West-Hinder devant les tribunaux belges ont été cités à l'appui de la thèse contraire De longues discussions ont eu lieu entre les Parties quant à l'importance de chacune de ces décisions pour les détails desquelles applying to collision cases has grown up according to which criminal proceedings regarding such cases come exclusively within the jurisdiction of the State whose flag is flown In this connection the Agent for the French Government has drawn the Court's attention to the fact that questions of jprisdiction in collision cases which frequently arise before civil courts are but rarely encountered in the practice of criminal courts He deduces from this that in practice prosecutions only occur before the courts of the State whose flag is flown and that that circumstance is proof of a tacit consent on the part of States and consequently shows what positive international law is in collision cases In the Court's opinion this conclusion is not warranted Even if the rarity of the judicial decisions to be found among the reported cases were sufficient to prove in point of fact the circumstance alleged by the Agent for the French Government it would merely show that States had often in practice abstained from instituting criminal proceedings and not that they recognized themselves as being obliged to do so for only if such abstention were based on their being conscious of having a duty to abstain would it be possible to speak of an international custom The alleged fact does not allow one to infer that States have been conscious of having such a duty on the other hand as will presently be seen there are other circumstances calculated to show that the conhary is true So far as the Court is aware there are no decisions of international tribunals in this matter but some decisions of municipal courts have been cited Without pausing to consider the value to be attributed to the j udgments of municipal courts in connection with the establishment of the existence of a rule of international law it will suffice to observe that the decisions quoted sometimes support one view and sometimes the other Whilst the French Government have been able t o cite the Ortigia-Oncle- Joseph case before the Court of Aix and the Franconia-Strathclyde case before the British Court for Crown Cases Reserved as being in favour of the exclusive jurisdiction of the State whose flag is flown on the other hand the Ortigia--Oncle- Joseph case before the Italian Courts and the Ekbatalza-West-Hinder case before the Belgian Courts have been cited in support of the opposing contention Lengthy discussions have taken place between the Parties as to the importance of each of these decisions as regards the details 29 ARRÊT NO 9 - AFFAIRE DU « LOTUS la Cour se borne à renvoyer aux Mémoires et Contre-Mémoires des Parties La Cour ne croit pas nécessaire de s'y attarder Il lui suffit de constater que la jurisprudence nationale étant ainsi partagée il n'est guère possible d'y voir un indice de l'existence de la règle restrictive de droit international qui seule pourrait servir de fondemént à la thèse du Gouvernement français En revanche la Cour croit devoir souligner le fait qu'il n'apparaît pas que les États intéressés se soient opposés aux poursuites pénales relatives à des cas d'abordage devant les$ribunaux d'un pays autre que celui du pavillon ou qu'ils aient avancé des protestations leur conduite ne semble guère avoir été différente de celle qu'ils tiennent dans tous les cas de juridictions concurrentes Cette circonstance va directement à l'encontre de l'existence du consentement tacite des États en faveur de la compétence exclusive de l'État du pavillon que l'agent du Gouvernement français a cru pouvoir déduire de la rareté des questions de compétence devant les tribunaux répressifs Il ne semble guère probable et il ne serait pas conforme à la pratique internationale que le Gouvernement français dans le cas de I'Ortigia - Oncle-Joseph et le Gouvernement allemand dans celui de 1' Ekbatana - West-Hinder eussent omis de protester contre l'exercice de la juridiction pénale de la part des tribunaux italiens et belges si vraiment ils avaient pensé qu'il y avait là une violation du droit international Quant à l'affaire du Franco zzia R v Keyn 1877 L R 2 Ex Div 63 sur laquelle l'agent du Gouvernement français s'est particulièrement appuyé il convient d'observer que la partie de la décision qui est le plus étroitement reliée au cas présent est la partie qui a trait à la localisation du délit sur le navire abordeur Or quelle que soit par ailleurs la valeur de la thèse adoptée par la majorité des juges sur ce point précis il ne semble guère douteux que si dans l'esprit de ces juges elle découlait d'une règle de droit international leur conception de ce droit particulière à la jurisprudence anglaise est loin d'être généralement admise même dans les pays de commotz law Cette manière de voir semble d'ailleurs confirmée par le fait que le point de vue auquel s'est placée la majorité des juges en ce qui a trait à la localisation d'un délit dont l'auteur se trouve dans le territoire d'un État et dont les JUDGMENT No $ -THE CASE OF THE S S LOTUS 29 of which the Court confines itself to a reference to the Cases and Counter-Cases of the Parties The Court does not think it necessary to stop to consider them I t will suffice to observe that as municipal jurisprudence is thus divided it is hardly possible to see in it an indication of the existence of the restrictive rule of international law which alone could serve as a basis for the contention of the French Government On the other hand the Court feels called upon to lay stress upon the fact that it does not appear that the States concerned have objected to criminal proceedings in respect of collision cases before the courts of a country other than that the flag of which was flown or that they have made protests their conduct does not appear to have differed appreciably from that observed by them in all case of concurrent jurisdiction This fact is directly opposed to the existence of a tacit consent on the part of States to the exclusive jurisdiction of the State whose flag is flown such as the Agent for the French Government has thought it possible to deduce from the infrequency of questions of jurisdiction before criminal courts I t seems hardly probable and it would not be in accordance with international practice that the French Government in the Ortigia-Oncle-Joseph case and the German Government in the Ekbatana-West-Hinder case would have omitted to protest against the exercise of criminal jurisdiction by the Italian and Belgian Courts if they had really thought that this was a violation of international law As regards the Fjfanconia case R v Keyn 1877 L R z Ex Div 63 upon which the Agent for the French Government has particularly relied it should be observed that the part of the decision which bears the closest relation to the present case is the part relating to the localization of the offence on the vesse1 responsible for the collision But whatever the value of the opinion expressed by the majority of the judges on this particular point may be in other respects there would seem to be no doubt that if in the minds of these judges it was based on a rule of international law their conception of that law peculiar to English jurisprudence is far from being generally accepted even in common-law countries This view seems moreover to be borne out by the fact that the standpoint taken by the majority of the judges in regard to the localization of an offence the author of which is situated in the territory of one effets se réalisent dans un autre État a été abandonné dans des décisions anglaises plus récentes R v Nillins 1884 53 L J 157 R v Godfrey L R 1923 I K B 24 Cette évolution de la jurisprudence anglaise vient à l'appui de la thèse d'après laquelle le droit international laisse toute liberté aux États sous ce rapport A l'appui de la thèse d'après laquelle la compétence pénale dans les cas d'abordage appartiendrait exclusivement à l'État du pavillon on a fait valoir qu'il s'agit de l'observation des règlements nationaux de chaque marine et que la sanction efficace ne consiste pas autant à infliger au capitaine quelques mois de prison qu'à lui retirer son brevet de capitaine c'est-à-dire le commandement du navire A cet égard la Cour doit souligner que les poursuites ont lieu pour un délit de droit commun et non pour une infraction disciplinaire Ni la nécessité de tenir compte d'un règlement administratif même en laissant de côté la circonstance qu'il s'agit de règlements uniformes adoptés par les États à la suite d'une conférence internationale ni l'impossibilité d'appliquer certaines sanctions disciplinaires ne sauraient empêcher l'application de la loi pénale et des mesures répressives pénales La conclusion à laquelle la Cour arrive est donc qu'il n'existe pas de règle de droit international relative aux cas d'abordage qui réserverait les poursuites pénales à la compétence exclusive de l'État du pavillon Cette conclusion s'explique d'ailleurs assez facilement si l'on tient compte de la manière dont l'abordage met en présence deux juridictions d'États différents Le délit pour lequel le lieutenant Demons semble avoir été poursuivi serait un acte ayant sa manifestation initiale -négligence ou imprudence - à bord du Lotus tandis que ses effets se sont produits sur le Boz-Kourt Entre ces deux éléments il y a une indivisibilité juridique absolue à tel point que une fois ces éléments séparés le délit n'existe plus Ni la compétence exclusive de l'un ou de l'autre État ni la compétence de l'un et de l'autre limitée aux faits qui se sont passés sur le navire respectif ne semblent de nature à satisfaire aux exigences de la justice et à une protection efficace des intérêts des deux États Il n'est que naturel que chacun puisse exercer sa juridiction et que cette juridiction s'étende au fait JUDGMENT No 9 -THE CASE OF T H E S S LOTUS 30 State whilst its effects are produced in another State has been abandoned in more recent English decisions R v Nillins 1884 53 L J 157 R V Godfrey L R 1923 I K B 24 This development of English casè-law tends to support the view that international law leaves States a free hand in this respect In support of the theory in accordance with which criminal jurisdiction in collision cases would exclusively belong to the State of the flag flown by the ship it has been contended that it is a question of the observance of the national regulations of each merchant marine and that effective punishment does not consist so much in the infliction of some months' imprisonment upon the captain as in the cancellation of his certificate as master that is to Say in depriving him of the command of his ship In regard to this the Court must observe that in the present case a prosecution was instituted for an offence at criminal law and not for a breach of discipline Neither the necessity of taking administrative regulations into account even ignoring the circumstance that it is a question of uniform regulations adopted by States as a result of an international conference nor the impossibility of applying certain disciplinary penalties can prevent the application of criminal law and of penal measures of repression The conclusion at which the Court has therefore arrived is that there is no rule of international law in regard to collision cases to the effect that criminal proceedings are exclusively within the jurisdiction of the State whose flag is flown This conclusion moreover is easily explained if the manner in which the collision brings the jurisdiction of two different countries into play be considered The offence for which Lieutenant Demons appears to have been prosecuted was an act-of negligence or imprudence-having its origin on board the Lotus whilst its effects made themselves felt on board the Boz-Kourt These two elements are legally entirely inseparable so much so that their separation renders the offence non-existent Neither the exclusive jurisdiction of either State nor the limitations of the jurisdiction of each to the occurrences which took place on the respective ships would appear calculated to satisfy the requirements of justice and effectively to protect the interests of the two States I t is only natural that each should be able to exercise jurisdiction and to do so in respect tout entier On est donc en présence d'un cas de juridictions concurrentes La Cour étant arrivée à la conclusion que les arguments invoqués par le Gouvernement francais ou bien ne sont pas pertinents en l'espèce ou bien ne démontrent pas l'existence d'un principe du droit international qui excluerait la compétence de la Turquie d'entreprendre les poursuites en fait exercées contre le lieutenant Demons constate que dans l'accomplissement de sa tâche de connaître elle-même le droit international elle ne s'est pas bornée à cet examen mais a étendu ses recherches à tous précédents doctrines et faits qui lui étaient accessibles et qui auraient le cas échéant pu révéler l'existence d'un des principes du droit international visés par le compromis Ces recherches n'ont pas abouti à un résultat affirmatif Il y a donc lieu de constater qu'aucun principe de droit international dans le sens de l'article 15 de la Convention de Lausanne du 24 juillet 1923 ne s'oppose à l'exercice des poursuites pénales dont il s'agit En conséquence la Turquie en intentant en vertu de la liberté que le droit international laisse à tout État souverain les poursuites pénales en question n'a pu en l'absence de pareils principes agir en contradiction des principes du droit international aux termes du compromis La Cour constate enfin qu'elle n'a pas besoin de s'occuper de la question de savoir si le fait que les poursuites pénales dirigées contre le lieutenant Demons étaient connexes à celles contre le capitaine du Boz-Kowt serait de nature à justifier l'extension de la juridiction turque Cette question ne se serait posée qu'au cas où la Cour serait arrivée à la conclusion qu'une règle de droit international défendait à la Turquie d'exercer des poursuites pénales contre le lieutenant Demons car alors seulement il y aurait eu lieu de se demander si ladite règle pouvait être tenue en échec par le fait de la connexité JUDGMENT No 9 -THE CASE O F T H E S S LOTUS 31 of the incident as a whole I t is therefore a case of concurrent j urisdiction The Court having arrived at the conclusion that the arguments advanced by the French Government either are irrelevant to the issue or do not establish the existence of a principle of international law precluding Turkey from instituting the prosecution which was in fact brought against Lieutenant Demons observes that in the fulfilment of its task of itself ascertaining what the international law is it has not confined itself to a consideration of the arguments put forward but has included in its researches al1 precedents teachings and facts to which it had access and which might possibly have revealed the existence of one of the principles of international law contemplated in the special agreement The result of these researches has not been to establish the existence of any such principle I t must therefore be held that there is no principle of international law within the meaning of Article 15 of the Convention of Lausanne of July zqth 1923 which precludes the institution of the criminal proceedings under consideration Consequently Turkey by instituting in virtue of the discretion which international law leaves to every sovereign State the criminal proceedings in question has not in the absence of such principles acted in a manner contrary to the principles of international law within the meaning of the special agreement In the last place the Court observes that there is no need for it to consider the question whether the fact that the prosecution of Lieutenant Demons was joint connexe with that of the captain of the Boz-Kourt would be calculated to justify an extension of Turkish jurisdiction This question would only have arisen if the Court had arrived at the conclusion that there was a rule of international law prohibiting Turkey from prosecuting Lieutenant Demons for only in that case would it have been necessary to ask whether that rule might be overridden by the fact of the connexity connexité of the offences Ayant ainsi répondu négativement à la première question posée par le compromis la Cour n'a pas à s'occuper de la seconde question relative à la réparation pécuniaire qui éventuellement aurait pu être due en faveur du lieutenant Demons La Cour jugeant contradictoirement décide les voix étant également partagées par la voix prépondérante du Président 1 qu'en exerçant à la suite de la collision survenue le 2 août 1926 en haute mer entre le vapeur français Lotus et le vapeur turc Boz-Kou t et lors de l'arrivée du navire français à Stamboul des poursuites pénales en vertu de la législation turque contre le lieutenant Demons officier de quart à bord du Lotus au moment de la collision en raison de la perte du Boz-Kowt ayant entraîné la mort de huit ressortissants turcs la Turquie n'a pas contrairement à l'article 15 de la Convention de Lausanne du 24 juillet 1923 relative à l'établissement et à la compétence judiciaire agi en contradiction des principes du droit international 2 que dès lors il n'y a pas lieu de statuer sur la question de la réparation pécuniaire qui aurait éventuellement été due en faveur du lieutenant Demons au cas où la Turquie en intentant des poursuites contre cet officier ainsi qu'il a été dit ci-dessus aurait agi en contradiction des principes du droit international Ide présent arrêt ayant été rédigé en français conformément aux dispositions de l'article 39 premier alinéa deuxième phrase du Statut de la Cour une traduction en anglais y est jointe JUDGMENT NO $ -THE CASE OF THE S S LOTUS 32 Having thus answered the first question submitted by the special agreement in the negative the Court need not consider the second question regarding the pecuniary reparation which might have been due to Lieutenant Demons The Court having heard both Parties gives by the President's casting vote-the divided- judgment to the effect votes being equally that following the collision which occurred on August znd 1926 on the high seas between the French steamship Lotus and the Turkish steamship Boz-Kourt and upon the arriva1 of the French ship at Stamboul and in consequence of the loss of the Boz-Kourt having involved the death of eight Turkish nationals Turkey by instituting criminal proceedings in pursuance of Turkish law against Lieutenant Demons officer of the watch on board the Lotus at the time of the collision has not acted in conflict with the principles of international law contrary to Article 15 of the Convention of Lausanne of July 24th 1923 respecting conditions of residence and business and jurisdiction 1 that consequently there is no occasion to give judgment on the question of the pecuniary reparation which might have been due to Lieutenant Demons if Turkey by prosecuting him as above stated had acted in a manner contrary to the principles of international law 2 This judgment having been drawn up in French in accordance with the terms of Article 39 paragraph 1 second sentence of the Statute of the Court an English translation is attached thereto 33 ARRÊT N O 9 - AFFAIRE DU LOTUS Fait au Palais de la Paix à La Haye le sept septembre mil neuf cent vingt-sept en trois exemplaires dont l'un restera déposé aux archives de la Cour et dont les autres seront transmis aux agents des Gouvernements parties en cause respectivement Le Président Signé MAX HUBER Le Greffier Signé A HAMMARSK JOLD MM Loder ancien Président Weiss Vice-Président et lord Finlay MM Nyholm et Altamira juges déclarant ne pas pouvoir se rallier à l'arrêt rendu par la Cour et se prévalant du droit que leur confère l'article 57 du Statut ont joint audit arrêt les exposés suivants de leur opinion individuelle M Moore dont l'opinion diffère de l'arrêt uniquement en raison des rapports entre les poursuites pénales visées en l'espèce et l'article 6 du Code pénal turc a également joint l'exposé de son opinion individuelle Paraphé M H Done at the Peace Palace The Hague this seventh day of September nineteen hundred and twenty-seven in three copies one of which is to be placed in the archives of the Court and the others t o be transmitted to the Agents of the respective Parties Signed MAXHUBER President Signed A HAMMARSKJOLD Registrar MM Loder former President Weiss Vice-President and Lord Finlay MM Nyholm and Altamira Judges declaring that they are unable to concur in the judgment delivered by the Court and availing themselves of the right conferred on them by Article 57 of the Statute have delivered the separate opinions which follow hereaf ter Mr Moore dissenting from the judgment of the Court only on the ground of the connection of the criminal proceedings in the case with Article 6 of the Turkish Penal Code also delivered a separate opinion Initialled M H
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